Journal de fin de jeunesse

Les bêtes du Sud sauvage

Je reviens du cinéma où je suis allé voir Les Bêtes du Sud sauvage, j’ai trouvé ça sublime. Tellement gracieux. Je n’avais pas été touché à ce point par un film depuis longtemps. À ce point là.
Et bon, pendant le film, je crois que j’ai compris quelque-chose. La petite fille doit faire face à la maladie de son papa, dans le film. Et à la peur de voir son papa mourir. Bien sur, ça m’a rappelé moi. Et ma propre relation avec papa. Ma propre peur de la mort de papa.
Pourtant, je crois comprendre que si je fais une telle obsession de la mort de papa. Si j’ai une telle peur de le perdre comme ça, dans la mort, c’est qu’au fond c’est la mort de maman que je ne veux pas affronter. Alors, je transfère. Je transfère le problème. J’ai tellement la trouille de faire mon deuil, d’affronter la réalité telle quelle: Oui maman est morte. Non elle ne reviendra pas. Plus. J’ai tellement peur d’affronter ça que je préfère compulser sur un autre problème. Un faux problème. Qui n’a aucune réalité. Mais qui représente ma peur la plus profonde. Comme ça, en ayant peur et puis mal pour papa, j’évite de me heurter à une vraie mort. Une vraie douleur. En ayant peur comme ça, j’élude la question. Je cherche quelque-chose de vraiment affreux, et de si possible similaire, pour ne surtout pas faire face à ce qui vraiment est affreux pour moi.

Et ce que j’ai remarqué, c’est que ce n’est pas la première fois que je fais ça. Que j’active ce mécanisme là.
J’ai remarqué que je trouve sans cesse des faux problèmes que je m’invente quand quelque-chose (connu ou inconnu d’ailleurs) me fait peur ou me fait mal. C’est comme quand je pensais que j’étais lesbienne. Je me torturais avec ça. J’en faisais un vraie problème, une véritable obsession. Une putain d’obsession. Mais ça cachait autre chose. Quelque-chose sur lequel je n’ai pas encore mis le doigt, cela dit…

Mais je réagis comme ça. Je transfère le réel sur le fantasme pour ne pas avoir à souffrir du réel. Et pourtant, je m’inflige, je crois, une douleur bien plus grande en souffrant pour des choses fantasmées. Des choses plus que potentielles. Des choses que je crée de toute part. Mais je n’y peux rien. C’est comme ça que je fonctionne.

Mais je suis soulagée d’avoir compris d’où vient, je crois, cette affolante et déprimante pseudo-certitude que je vais perdre papa. Que papa va mourir.
Il faut que j’apprenne à penser et à croire : "Non, papa ne va pas mourir!" (Enfin si, un jour, mais dans des années....)
Dans le film, le père dit à sa petite fille : "C’est comme ça, les papas meurent." "Pas mon papa à moi!" repond la fillette.

Autre chose dans le film que j’ai absolument adoré. Qui m’a apaisé sur la question de la mort et de la mort de maman. Le père est alors mort. Et la fillette le place dans un petit bateau qu’elle fait brûler et envoie flotter sur le bayou.
C’est alors que les autres personnages qui accompagnent la fillette aux obsèques se mettent à psalmodier. Et ce qu’ils disent sur la mort, c’est que, pour eux la barque s’en va. Mais de l’autre côté, quelque-part, d’autre diront que pour eux, elle arrive.