Journal de fin de jeunesse

Mon numéro

Depuis jeudi soir donc, je suis sous anti-dépresseur. Un anti-dépresseur assez nouveau qui agit sur le sommeil en favorisant la sécrétion de mélatonine; l’hormone du sommeil. Car je n’en peux plus de mes nuits agitées. Insuffisantes. Brèves.
Je ne crois pas être en dépression. Surmenée oui. Victime d’un état dépressif sous-jacent suite à trop de choses qui m’angoissent oui. Déprimée et obsédée par une peur de l’échec oui. Alors bientôt, j’espère dormir bien de nouveau. Et j’essaie de ne pas trop penser à mon traitement.

On a une nouvelle responsable de boutique, ça y’est. Depuis jeudi. Je ne l’aime pas. Elle s’appelle comme l’ancienne. Mais elle, je ne l’aime pas. Elle est fausse. Elles respire l’hypocrisie. C’est une bobo. Une pure souche. Elle est fausse, je le sais car en sa présence je me sens mal à l’aise. Menacée. Et jaugée. C’est comme ça pour moi avec les gens faux; ils me mettent très mal à l’aise car il y a un décalage entre ce que dit leur bouche et ce qu’exprime leurs yeux et le reste de leur corps.
Carine s’en va à la fin du mois. Marie est partie. Notre petite équipe, soudée (et c’est ça qui me faisait tenir et apprécier d’aller au boulot), est brisée.
Je me sens abandonnée que Carine s’en aille. On ne pourra plus se réjouir et rire ensemble de voir le beau serveur qui me rend toute tremblante. Elle ne sera plus là pour éponger mes crises d’angoisses et/ou d’euphorie par rapport à lui. Par rapport à tout ça. Je devrai : me contenir. Me : retenir. Je devrai me résigner à de plus être moi même. Et ça sera l’enfer. Et je me sens triste déjà. Déprimée. J’appréhende le jour où elle ne sera plus là. Aller travailler, avec le stress croissant des examens en plus, va devenir un calvaire, un poids.

Carine m’a dit que jeudi soir, mon serveur s’était pointé à 19h00 devant la boutique, et avait scruté ! M’avait scruté ! Mais je ne travaille pas le jeudi. Et quand Carine a voulu aller le voir, il était parti."Il n’était pas là par hasard, elle m’a dit, Il t’attendait." cA m’a réjoui. J’étais toute euphorique quand elle m’a dit ça. L’ennui, c’est que j’ai peur qu’il ne se soit lassé. Car vendredi et samedi (hier donc), je l’ai vu. Il ne s’est pas vraiment arrêté devant la boutique. Et la fois où il l’a fait, je n’ai pas pu lui sourire ni rien, car l’autre garce là (ma nouvelle boss), m’a demandé de faire un truc expréssement.
J’ai peur qu’il ne soit lassé. J’ai peur que jeudi soir, il se soit enfin décidé à m’attendre pour me parler, et que ne me voyant pas, il se soit dit "Allez c’est bon je laisse tomber..."
J’ai vraiment peur de ça. De; se rater par manque d’occasion, et de se perdre, finalement.
Alors j’ai décidé d’écrire mon numéro sur une carte de la boutique. Et j’ai décidé avec Carine que si jamais elle le revoie dans une posture explicite d’attente, elle aille lui donner cette carte de ma part. Cette carte avec mon numéro dessus.

je suis tellement timide face à ça que je suis incapable d’aller vers lui une bonne fois.