Journal de fin de jeunesse

Start over

J’admire cette fille, Lena Dunham, la créatrice de la série Girls. Elle est plus jeune que moi, et déjà si talentueuse, créative, inspirée. Elle est allée au bout de ses idées, de ses ambitions et d’elle même. Elle a été courageuse et volontaire. J’admire ces filles là; débordées par leur imagination et leur force créatrice. à Tel point qu’elle ne peuvent pas les contenir et n’ont d’autres choix que de laisser toutes ces ondes qui les traversent s’exprimer, s’envoler, se : libérer. Les musiciennes, celles qui dessinent, celles qui écrivent ou celles qui jouent le comédie. Et tant d’autres encore. Je les envie d’avoir une telle force artistique en elles. Et surtout, je les envie d’avoir su la déceler et la laisser s’affranchir avant qu’il ne soit trop tard, de tous les systèmes mis en place par la société pour l’étouffer… Pour toutes ces filles, la création, c’est l’évidence. C’est ce qui rempli et dicte leur vie. L’art à bout de bras. La facilité de savoir ce que l’on veut faire et comment l’on va l’exprimer. La créativité à la portée des mains et du coeur et de la tête...
Moi c’est le contraire; rien n’est évident, je dois examiner les tréfonds de mon corps pour y déceler, encore, une source créatrice potentiellement exploitable et exprimable. Et encore après ça, comment l’exprimer ? Je me suis perdue en route. Et j’ai peur qu’il ne soit trop tard. J’ai 28 ans. Et je suis en prison.
Je sens une telle force contenue en moi. Un tel besoin de laisser s’envoler des tas de choses, des tas d’idées et des millions de couleurs et de tonalités. Des choses comme ça, que je touche du doigt sans jamais les saisir. Sans jamais les retenir au creux de ma main et les façonner au gré de mon art, réprimé.
Je suis en prison, et je suis réprimée.
C’est à cause du système dans lequel je suis rentrée. C’est à cause de ce que l’on ma inculqué. C’est à cause du besoin d’argent et de payer un loyer. J’accuse le monde entier. Et je m’accuse moi-même, de m’être laissée ainsi menotter. Sans émettre de résistance aucune.
J’accuse ma paresse ? Ou mon manque de discernement ? De ne pas avoir su voir avant que je valais plus que ça. Ou de l’avoir vu très tôt et de m’être laissé porter, par des "on verra bien" et des "mais oui, je sais que j’irai loin". Parce-que, j’irai loin, on me l’a répété. Présomptueusement, j’y ai cru. Au final, j’suis pas allé plus loin que la Thaïlande d’un côté et le Mexique de l’autre. Voilà les limites du voyage que j’ai réussi à atteindre.
Et maintenant, je fais quoi ? Coincée dans une boutique et un spa que je déteste de plus en plus. Dans un quartier que j’exècre par dessus tout, qui me limite, qui me limite… Brimée jour après jour par une folle de responsable que je méprise de tout mon être. Qui me dégoûte, qui me dégoûte. Et qui m’angoisse et m’enferme encore plus dans cette prison dans laquelle je me suis jetée volontairement. Dans cette gueule du loup qui m’asphyxie. Une haleine de condamnation à mort a envahie mes nuits.

J’ai un Papillon d’amour qui réchauffe comme il peut les barreaux de métal glacé qui poussent sous ma peau. Et ce Papillon là, je ne veux pas l’enfermer avec moi. Et je me dis souvent que, si j’brisais mes barreaux, il m’aimerait plus. Il m’aimerait vraie. Parce-que moi déjà, je m’aimerai plus !
Je sens que même l’amour que j’ai pour lui est partiellement gelé par ce cachot infernal dans lequel je suis prostrée. Et ça me rend triste. Et ça me rend lasse.
Je pourrai juste partir, ne plus revenir. Abandonner ma geôle. Mais la société en avait décidé autrement...
J’attends une offre que je pourrai pas r’fuser ! Un licenciement me ferait hurler de bonheur.

Mais; depuis hier, un vent de détermination souffle sur ma résignation précoce. Précoce!J’ai 28 ans. Je ne suis pas morte. Et je sais, mais je le sais depuis longtemps, que je ne suis pas faite pour ça. Pas pour cette routine là. Je me suis volontairement engagée sur la voie empoisonnée. C’est tellement plus facile, pris dans l’engrenage du besoin de travailler, de se mentir à soi-même… Et pensant "ça ira mieux"," bientôt, ça ira mieux" Sauf que ça ne va pas mieux. çA se gangrène. çA se propage comme des métastases vicieuses. Changer de lieu et d’atmosphère n’y change rien. C’est juste déplacer le membre vicié. Mais il est toujours là et continue à puer.
Alors; depuis hier, ma décision est prise : Je me barre de là et je me barre aussi de tout ce mécanisme dans lequel je me suis embourbé. Et qui a occulté ce que je suis en réalité. De toute façon, "je ne convient pas au poste", je suis trop dans la lune pour ça. Pas assez professionnelle. Pas assez autonome dans le travail. Ect. çA ne m’atteint plus. Depuis hier ça me passe au dessus. Je suis jeune, et tellement plus que ça. Qu’elles gardent leurs critiquent et leurs menaces d’automates contaminées pour des gens comme elles. Sur qui ça aura de l’effet. çA n’en a pas sur moi, au contraire, ça accentue mon évanescence. Putain, c’est une telle libération déjà d’en prendre conscience ! De prendre conscience et d’accepter que pour moi, ce n’est pas possible. Je ne suis pas compatible avec cette vie là. çA me rend malade. Je suis en train de tomber malade. Les larmes aux yeux, la boule au ventre, cette frustration permanente!
Mais; depuis hier, je sais que ce n’est plus que temporaire.

Parlons peu parlons vrai : Je commence à regarder des agences d’interim qui me permettront de reprendre des études universitaires à côté.
J’envisage une rupture conventionnelle dés mon retour de vacance.
Je prends un congé sabbatique pour savoir ce que je veux vraiment.
Mais quelles sont les possibilités ? J’ai la peur de devenir un boulet. Pourquoi je n’arrive pas à voir les autres alternatives ? Qu’est ce qui me retient ?