Journal de fin de jeunesse

La douleur

AAAOOUUUUUUUUUUUUUUU!!!!!! !

C’est le chantier sur mes reins. Mes pattes de loups sont encore loin d’être terminées. C’est vrai que pour un premier tatouage "J’ai vu gros". (Dixit les mecs de la boutique de tatouage)

çA a été un très bon moment. Les mecs sont vraiment sympa, et rassurants. C’est convivial comme endroit. Et surtout, c’est une entreprise d’hommes. Il n’y a que des hommes. Et j’adore ça. Être entourée d’hommes.... Ils ont tous vu mes fesses. C’est moins classe ça déjà. Mais je n’ai pas (encore) trop à en rougir, de mes fesses…

Mais la douleur. La douleur. Cette douleur là. Vraiment, celle-là, je ne m’y attendais pas. Pas comme ça. Pas autant.
Fanny m’accompagnait, heureusement.
On m’avait parlé d’une sensation désagréable de brûlure, sans plus. Rien d’impressionnant.
Je me suis donc rendu au salon de tatouage sans appréhension. Juste très excitée.
Mais j’ai vite été déçu quand le gars que j’ai compris être mon tatoueur m’a dit que l’on ne terminerait pas aujourd’hui. Que, pour le remplissage des pattes, il y en avait pour 4 à 5h de travail. Et : que mon corps ne le supporterait pas (normal...). Et que : j’allais "finir par couiner"....

On a parlé pas mal de temps, déterminé l’emplacement exact, fait des essaie, rigolé un peu. C’est vrai que ça les a bien fait marrer, mes pattes de loups. Et que leur taille impressionnante y était aussi pour quelque-chose. Je me suis sentie con un peu. C’est vite passé quand j’ai compris que ce n’était pas des moqueries, juste de la bonne humeur. De la gaieté à travailler là dedans. À rencontrer des gens avec des idées saugrenues (un peu comme moi). Même si je me trouve très sobre, par rapport à certaines demandes de tatoo....

Puis; je me suis placé sur la chaise de torture. Ignorante encore, des tourments qui m’attendaient.
Le tatoueur, un réunionais très avenant, ancien parachutiste de l’armée et ancien élève des beaux-arts, qu’il avait fait dans l’optique d’être designer d’intérieure (un gars intéressant en somme), m’a tout d’abord expliqué qu’il allait passer l’aiguille sur ma peau, sans vraiment piquer, sans me marquer, pour que je me fasse une idée de la d.... euh de la sensation.
Je me suis dit, évidement, que s’il fallait en passer par là, c’est que la douleur était peu être une réalité bien plus établie que celle que je m’étais imaginé....
Et c’est alors que mon coeur s’est mis à battre, incontrôlable. Et, je suis loin d’être douillette.

C’est parti. La douleur m’a surprise. Je n’imaginais pas ça. C’est un paramètre que je n’avais pas pris en compte.
La simple sensation de l’aiguille qui s’enfonçait à peine dans le premier millimètre de mon épiderme, c’était déjà impressionnant. Supportable bien sur. Mais de très mauvais augure pour ce qui s’annonçait pour la suite.... Oui, tout en bas dans l’échelle de la douleur, cette sensation qui allait indubitablement croître et croître, m’a précipitamment effrayé.
Il a dit, après quelques secondes qui m’ont paru une minute. Il a dit, ça y’est, je vais piquer.
J’ai pris la main de Fanny. Quand la douleur était trop intense, je la serrait. Mais je n’ai pas résisté longtemps. Très rapidement, j’ai senti la nausée accourir, la chaleur m’envahir, le malaise arriver. Le tatoueur l’a senti avant que je ne dise quoi que ce soit. La peau transmet tout. Et eux, le voit mieux que personne. J’ai dit stop. Et je suis allé aux toilettes, en tentant de ne pas tomber, pour vomir. Vomir cette douleur impossible à croire. Et pour fuir aussi. La fuir. La tête au dessus de la cuvette, j’ai un court moment hésité à tout arrêter. "QU’EST CE QUE JE FOUS LÀ ?" J’ai pensé. "JE N’Y ARRIVERAIS PAS, JE SUIS PAS CAPABLE DE SUPPORTER çA".
Mais : j’ai eu honte de moi. Alors j’ai cessé de réfléchir et j’y suis retourné. Sans avoir vomi.

Il m’a dit que c’était normal, cet "effet kiss-cool". Il m’a dit aussi, qu’il ne tatouait pas vraiment encore. Qu’il n’était que dans l’épiderme, pas encore dans le derme. Qu’il traçait les contours des pattes de cette manière là. Qu’elles allaient tenir le temps avant que l’on ne commence le remplissage, (dans 3 semaines). De cette façon, les contours s’effaceront et les pattes resteront sur ma peau dans une dimension vraiment hyper réaliste. J’ai adoré cette idée. Je le laisse faire d’ailleurs. J’ai toute confiance en lui.
J’ai moins aimé entendre que là, on n’était encore que dans l’épiderme.....
Une autre vague de nausée et de chaleur m’a secoué.

Et je me suis reprise. Et on a recommencé. Serrant la main de Fanny. Respirant bien. Gemissant parfois. On a parlé, rigolé. Tout pour m’éloigner de la douleur. À laquelle, d’ailleurs, on ne s’habitue pas.
Je me suis vraiment posé des tas de questions sur les autres personnes qui se font tatoué, et re-tatouer; Comment elles font ? ...
çA a duré. Avec des pauses. Avec mon effort surhumain pour me détendre et rire.
Le rein droit a été 15 fois plus douloureux que le gauche. Cette impression d’une griffure de chat, dans laquelle le chat regriffe et regriffe inlassablement… Je me suis sentie partir, m’endormir, me déconnecter. M’éloigner de la douleur.

J’ai demandé à ce que l’on commence le remplissage, pour que je me rende compte. C’est là que le tatoueur m’a avoué que j’avais choisi une des zones les plus douloureuses.... Très douloureuse même. C’est bien qu’il ne me l’ai pas dit avant. Maintenant je suis très heureuse du résultat. Même si c’est loin d’être terminé.
J’ai vu qu’ils avaient une espèce de crème anesthésiante. Il me l’a appliqué sur la patte gauche avant d’entamer le remplissage. Avec une aiguille autrement plus.... terrifiante.
Il me l’a appliqué seulement à ce moment là. ( Que ne l’a t’il fait plus tôt )

C’est là qu’il a commencé à remplir. À noircir les griffes du loup d’abord. Et je n’ai rien senti. Rien du tout. À tel point que je lui ai demandé si il ne se foutait pas de moi...... Et je n’ai pas aimé ne rien sentir. C’est comme si je ne me faisait pas tatoué. çA a moins de sens soudain, de ne rien sentir ! C’est étrange de penser ça. De préférer la douleur. Mais c’est commun à presque tous les gens qui se font tatouer apparament. On préfère sentir le tatouage se faire, s’inscrire définitivement dans notre peau, se dessiner dans la chair. Il a plus de valeur comme ça. Il a une vraie signification seulement comme ça, dans la connaissance parfaite de la douleur inhérente à sa réalisation. Je le pense.
Comme je ne sentais rien, j’ai demandé à ce qu’il me montre la différence sur une griffe du côté gauche.... J’ai vu la différence. Rien de comparable à la sensation de l’aiguille juste dans l’épiderme. Pire. Une belle idée de ce qui m’attend prochainement.

Puis, Fanny est parti. Je suis restée encore une heure et demi je crois. L’effet de l’anesthésiant s’est vite estompé. Un des mecs du salon, qui regardait mon tatoueur travailler sur mes fesses, m’a proposé de prendre sa main. Il l’a caressé furtivement. Bizzare…

C’est une chouette expérience. j’ai hâte d’y retourner!! !