Journal de fin de jeunesse

Vie professionnelle

Agotada.
Je ne me suis pas vraiment reposée depuis presque deux moi.
Je ne me suis pas reposée du tout, en réalité, depuis presque deux moi.
Le matin, comme aujourd' hui, par exemple, je n’arrive pas à émerger. Le sommeil me colle, poisseux. Et je reste englué, avec lui, dans mes draps moites, sans pouvoir m’en décoller.
Et je déteste tellement cette sensation. Ce sommeil gluant. Dépressif, presque.

Je regrette de ne pas écrire plus. De ne pas écrire tous les jours, comme certains le font. J’écris dans ma tête tous les jours. çA oui. Mais j’oublie, petit à petit. çA me désespère, ça de moi. De ne pas réussir à écrire tous les jours; de manière claire et productive. Soy una pinche huevona!

Je travaille dans les parfumeries les week-ends. Comme animatrice. Pour le groupe Coty prestige (youhouuu) et ses marques difficiles à vendre.
C’est crevant. Debout toute la journée. À faire la con dans les rayons. À tenter de vendre des marques de parfum qui ne sont pas Dior, ou Chanel ou (horreur, Cacharel et Nina Ricci).Mais. Des marques qui s’apellent Chloé, Marc Jacobs ou encore Balenciaga. Ou encore Philosophy, pour ce qui est des cosmétiques. Marque en exclu chez Sephora. Je déteste Séphora.

Ce week-end, par exemple, j’étais au Nocibé de Viry Chatillon. A deux heures de chez moi.
Une chouette équipe. Très sympa. Une petite structure. Ce travail m’oblige à m’adapter très rapidement à des équipes chaque fois différentes, et à m’y intégrer naturellement. Et je me démerde bien.
Même si ça m’ennuie à mourir.
Mais je suis une bonne vendeuse. (parce-que je suis une bonne acheteuse, y' a pas de secret).
D’ailleurs, ce que je vends le mieux, c’est ce que j’ai porté moi-même comme parfum…

Souvent, les clients m’aiment bien. Ils disent que je suis très gentille. çA me fait plaisir. De très rares fois, j’arrive à me sentir fière de ce que mes parents ont fait de moi. En terme d’éducation et de gentillesse envers les autres. Pas de gentillesse, plus, de considération. De réelle considération. J’accorde tellement d’importance à la sincérité des rapports humains que je peux me sentir blessée, parfois, par certains clients. Ceux qui me rejettent tout de suite, comme si j’allais les forcer à acheter ce qui m’arrange. Comme si je ne voyais chez eux que du chiffre d’affaire. çA me fait mal au coeur, un peu.
J’arrive même à culpabiliser quand je vends quelque-chose qu’il faut que je vende. Surtout à des gens qui n’y connaissent pas grand-chose. Je ne me comprends pas. Cette culpabilité qui me bouffe. Même pour une petite chose comme ça....

Hier, dans l’équipe, les autres nanas du magasin étaient toutes folles de moi. L’une, une stagiaire (maman de deux garçons) n’arrêtait pas de s’extasier sur ma coupe de cheveux ("pas vrai qu’elle ressemble à Audrey Tautou, et aussi un peu a Liza Minelli"), sur ma bouche ("elle a vraiment une bouche, elle peut porter du vrai rouge ! Regardez, elle a mis du rouge, c’est dingue comme elle le porte bien!"), sur mon regard ("elle a un regard! ! On voit qu’elle a une forte personnalité, oui elle a beaucoup de personnalité, on le voit dans ses yeux!").
Une autre (la chef de l’institut), sur ma voix et ma douceur ("Oh, elle m’apaise elle quand elle parle, elle est douce, je pourrais m’endormir, j’adore!"), sur mon sens relationnel ("Tu sais accrocher le client, tu arrives à les accrocher tout de suite. J’aime beaucoup ta façon de les approcher. Il sont tout de suite intéressés par toi.) et sur mon feeling ("Tu as les mots justes, tout de suite. Tu fais rêver les gens avec ce que tu dis… Je t’assure, tu as de ces mots, tu tournes les choses d’une telle manière. Et puis tu les écoutes..." " Elle a un truc, c’est marrant. C’est rare ça. Elle a le truc")

Bien sur, je m’ennorgueillis quand j’entends tout ça sur moi. çA me touche. Je me dis que je dois être une bonne personne. Une belle personne peut-être. Mais n’est ce pas justement mal, et pervers de penser ça ? Les bonnes personnes ne sont-elles pas justement celles qui sont dénuées de tout sentiment semblable à leur égard ?
çA me fait peur. J’ai tellement peur d’être en réalité une belle pourriture narcissique...
Narcissique je le suis. Je sais. Mais le fait d’être narcissique empêche t-il le fait d’être naturellement bon ? Et dénuée de malveillance ?
Suis-je une grande manipulatrice ?
Comment savoir ?

En tout cas, ma vie professionnelle se profile bien dans ce domaine. D’ailleurs, la chef aurait bien aimé m’avoir dans son équipe...
Si seulement je pouvais me contenter de ça !

La recherche de mon contrat professionnelle pour mon BTS est toujours un calvaire… Et une vraie course contre la montre avec mon départ au Mexique en juillet. Quelle pression.
Et je pense à Rodolfo. Je ne pense que’à Rodolfo. Et lui aussi ne pense qu’à moi. Alors peut-être…