Journal de fin de jeunesse

Celeste, sublime Celeste

Prise de tête matinale. Tourments malvenus. Larmes d’offense, oui, chagrin de fille blessée.

Je devrais être à l’école. Cette après-midi on avait un cas concret pour s’entraîner pour l’examen de pratique qui approche.
Sonia ne peux apparemment plus me servir de modèle pour l’examen. Fanny ne peux pas à cause de ses allergies. Les filles qui restent travaillent ou sont en Province… Quand à Lara, elle ne veut pas se déshabiller j’imagine…

Mais si je ne suis pas en cours, c’est à cause de Carlos. De ma fatigue qui ne me lâche plus. Et de Carlos.
Je n’ai même pas l’énergie de raconter toute cette histoire, qui m’a surprise au réveil comme une mauvaise blague.
Je me sens seule surtout.

Alors j’ai acheté une bouteille de Rhum. J’en avais tellement envie.

J’ai eu honte au magasin, quand le caissier a encaissé la bouteille. J’ai pris un air détaché. Mais j’avais honte.
Je me fais honte, un peu. Ce n’est pas comme si j’étais une jeune paumée de 19 ans, qui a envie de se péter la gueule. Ni une quarantenaire délaissée pas son mari et frustrée dans sa vie professionnelle. Non. Je suis une jeune femme de bientôt 25 ans et je vis seule (jusque là rien de trop déprimant). Mais cette solitude dure trop longtemps. Et j’en souffre.
Je vois l’amour des autres, comme celui de Carlos et de Celeste, la belle et douce Celeste. Et je les envie. Ce qu’ils ont est merveilleux. Ils en ont conscience, et c’est encore mieux. J’ai l’âge de vivre ça aussi. Et je ne sais pas, j’ignore totalement, si ça va m’arriver à nouveau.

On se monte la tête avec Rodolfo. Je l’aime bien. Si je vivais là bas, au Mexique, j’aimerais être sa copine, su novia. C’est pareil pour lui.
On parle beaucoup sur le net, de quand je vais venir (le mois prochain, OJALÀ), de ce qu’il y a de possible entre nous, de ce qui s’est passé et comment il regrette de m’avoir fui, délaissé...
J’ai hâte d’être dans ses bras. D’oublier un peu tout ça, ces années pas trop faciles, tristes. Ces années de deuil en colère. Ces années de recherche éperdue d’un échappatoire. Et pour trouver quoi ? Des mecs toxiques, des déchets. Ou bien des mecs pathétiques, sans virilité aucune ("autre que celle du sexe", ça me vient en tête, cette citation de Marguerite Duras).

Je vais juste retranscrire ici le mail de Carlos, reçu ce matin comme un sac de nausée :

__''Anne, preciosa irrealizable, soñada mía :

Las cosas se complican demasiado y no quisiera lastimar a nadie, creéme, frágil limonero, estatuita de porcelana, a nadie. Celeste supo que ibas a venir, lo vio en un comentario que hiciste en el muro de no se quién, después de que le enseñaste el mensaje que yo te había mandado el año pasado, una noche en que pensaba e imaginaba tus bellísimos ojos, rodeados como eclipses por tus largas y húmedas pestañas, se molestó mucho, me reclamó por confundir tu recuerdo con el estudio tres de Chopin, el caso es que fue muy clara en su petición : en el caso de que tù y yo llegaramos a salir ahora que estés en México mi relación con ella tendría irremediablemente su fin, te soy completamente sincero, me muero de ganas por recorrer tus senderos, de acariciar tu esbelto cuerpo, recorrer tu boca con mi lengua mientras me susurras tus razones de existir, de ser. Pero irremediablemente, pajarito libre, mandolina trasatlántica, tu regresas a tu Sena y a tu vida de lechuga y zanahorias, a tu Perotin. Tomé la decisión de amar a mi Maga, de no lastimarla más, la inmovilidad de una aventura fugaz, una huidiza escapatoria por el caribe, tomarte en la playa, broncearte de mi sol, convencerte de mi convicción de que Europa está mal, de que mi sexo y mis manos en tu fruta latina, exquisita, soñada, saboreada entre flamenco, rones, sones, será para un después filosófico, casi novelístico, casi "cortazariano", casi un sueño una vez más.
''__

C’est simplement beau ce qu’il écrit. C’est plein de tourment et de passion. Pour moi et pour l’amour. C’est simplement beau. Et tragiquement sublime. C’est ranchero. Presque. Oui presque ranchero.
En gros, les choses se sont compliquées, et la belle novia Celeste a appris que j’allais venir en lisant je ne sais quoi sur le mur facebook de je ne sais plus qui. Puis, il parle du message d’amour qu’il m’a envoyé il y a de cela un an et que j’ai montré à Celeste. Hors, jamais je n’ai fais une chose pareille..... C’est trop moche de croire ça. Quand je l’ai nié, il m’a même traité de menteuse. çA m’a tellement fait mal (mal mal mal) que j’en ai pleuré. Devant ma sincérité, il m’a cru. Que je n’avais rien fais de mal ainsi. Et c’est la vérité. Bien sur, Celeste a la chance que je rêve d’avoir. Elle a l’homme que j’aime et dont je rêve d’être la novia. Mais je les laisse en paix, je ne pense même pas à le lui voler. Je ne veux pas entacher le bonheur de cette fille, que j’estime énormément et que j’envie, sans en être jalouse.

Malgré tout, elle lui a interdit de me voir. Ce que je comprends, évidement. çA me fait mal d’être une menace pour un couple si solide alors que je vis à 10 000 kilomètres et que je reviens une fois tous les deux ans. C’est pour cela que j’ai dis à Carlos que c’est lui le problème, lui qui fait planer la menace au dessus de leur couple. Lui le responsable de la peur de Céleste. Et pas moi. Pas directement. Moi je ne fais rien. Je ne pense même pas à eux. Et c’est mieux comme ça...
Mais j’étais mal. Triste. On a continué a parler. J’ai dis que j’allais écrire a Celeste, pour lui assurer que jamais je ne me permettrais de la blesser, en aucune manière. Cette fille est une trop belle personne pour être traitée comme ça.

Je lui ai donc écris. Elle m’a répondu, bien sur, en me remerciant de mes paroles. Qu’elle sait bien que je suis incapable de lui faire du mal. De leur faire du mal à eux.
Et qu’elle comprends que je veuille voir Carlos. Elle sait que je l’aime beaucoup, et elle sait que lui m’aime pareille et veut me voire aussi… Mais elle n’est pas d’accord avec ça. Car ils sont bien ensemble en ce moment. Et que ce genre de sentiments là, c’est plus important que le reste. Et que ça, je dois bien le comprendre.
Elle me réitère son amitié. Elle a conscience que c’est inhumain, ce qu’elle nous impose à Carlos et à moi. Et c’est vrai. Mais je suis incapable de lui en vouloir....
Qu’elle est désolée. Et qu’elle m’apprécie beaucoup. Que Carlos ne pense bien sûr rien de mal de moi (au contraire), et qu’elle encore moins.
Et qu’elle espère, que dans le futur, les choses iront mieux, et qu’on pourra tous être ensemble avec chaleur, comme des amis.

Je viens de relire son mail;
Il y a eu un malentendu. Maintenant je sais de quoi il s’agit. Elle dit qu’il y a longtemps, je lui avais envoyé un mail où je lui racontais que la fois où j’étais revenu, j’avais couché avec Carlos. Or, en disant qu’on avait été ensemble, je ne me référais pas du tout au sexe. Mais en espagnol, c’est ce qu’elle a compris.
On avait rien fait cette fois là avec Carlos. Mais elle a mal compris.
Merde merde et merde