Journal de fin de jeunesse

L'Enfer a un nom... (ou une conscience professionnelle un peu trop envahissante)

L’Enfer a un nom : Séphora des Champs Élysées…

J’y ai travaillé en tant qu’animatrice du jeudi 9 au samedi 12. çA a été un calvaire. Un vrai chemin de croix.... Et, en plus de me dégoûter des grandes chaînes de parfumeries qui marchent aux concessions, cette expérience a fortement remise en cause mon plan de carrière. Ce plan de carrière de commerciale pour la filière cosmétique, déjà pas très solide, ni très convainquant. D’ailleurs, j’en suis la dernière convaincue...
Alors voilà. J’en suis là.

Le premier jour de cet interminable week-end que j’allais passer dans l’antre du Diable s’est avéré le pire des trois.
(je n’ai pas écrit depuis longtemps, je me sens mal, je me sens inconséquente, incapable de créativité sans la durée. Je me sens paresseuse intellectuellement).
Ce premier jour, je suis arrivé à Séphora. La mort dans l’âme. Et tous les employés se sont mis à se trémousser sur de la Dance. Ils se tenaient de part et d’autre d’un long tapis rouge qui tapissent le grand hall d’entrée. Et ils dansaient en tapant fort dans leurs mains. Comme réellement heureux de la longue et ennuyeuse journée qui les attendaient dans la plus grande parfumerie d’Europe. La même longue journée qui m’attendait moi.
J’ai eu du mal, mais je me suis lancée dans la fosse aux vendeurs, acclamée par des cris de joie. Le pire, c’est que cette stratégie marketing fonctionne.... Les clients sont attirés, comme des poissons par un petit ver se balançant tristement au bout d’un hameçon. Et ils entrent dans le magasin. Souvent, il ressortent avec quelque-chose dont ils n’avaient pas besoin.
Comme moi.

Je suis rentrée. J’ai repéré un vendeur. Celui-ci m’a dit que je n' étais pas rentrée par la bonne entrée. Et qu’il fallait que j’entre par l’entrée des employés, carrément de l’autre côté du "pâté de maison".
(çA fait beaucoup d’entrée.)
Alors je suis ressortie. Ayant quand même eu le temps de voire la tête de gondole où j’allais avoir le plaisir de passer les 3 prochains jours.
12 minutes après, j’ai atteint la bonne entrée. S’en ai suivie tout un bin’s, parce-que les gars du point sécurité ne sont jamais dispo. Du coup c’est presque impossible d’accéder au magasin proprement dit. À moins de crier comme une forcenée. Ce que je n’ose pas faire. C’est d’ailleurs pour ma réserve que, durant les 3 jours où j’étais là bas, j’attendais toujours un autre employé ou un autre animateur, moins réservé, pour accéder au magasin.
Arrivé en bas, dans les vestiaires, on me dit qu’il faut un cadenas. Bien sur je n’ai pas du cadenas sur moi. Ni ailleurs. On me concède donc l’immense honneur de disposer mes affaires personnelles sans la salle des ordinateurs. Mais, vraiment, à titre exceptionnel!
Mes affaires soigneusement exceptionnellement rangées, je remonte au magasin. Mais je n’ai pas de badge. C’est là que je croise le directeur du pôle soin qui m’affirme que je ne peux en aucun cas travailler sans badge....

-"Mais mon agence ne m’en a pas donné!" je dis.
-"Il en faut un. Voyez avec les autres animateurs..." blablabla

Toujours est-il que je ne trouve pas de badge. Le directeur me donne une idée; découper un carton qui vient d’un packaging de ma marque, et le coller sur mon tee-shirt… Merde. çA ne m’arrange pas qu’il y ait une solution, j’étais trop heureuse d’avoir une bonne raison pour ne pas travailler là...
j’appelle cependant mon agence à qui j’explique le problème. (Oui, ma conscience professionnelle semble avoir une vie propre et agit totalement indépendamment de ma volonté. ) Et, comble de malchance, ma responsable me demande si ça me pose problème de venir en chercher un, de badge.
"Euh.... nooonn" réponds stupidement ma conscience professionnelle. Sentant, sous mon air hésitant, ma flemme d’y aller, ma responsable me fait doucement culpabiliser; "En même temps on est à côté!".
Je marche à la culpabilité, elle l’a compris. Son sous-entendu, insinuant que je suis sensée aimer mon boulot et donc être prête à me taper 45 minutes aller et 45 minutes retour de transport juste pour aller récupérer un badge car vraiment c’est mortel de travailler au Séphora des Champs, finis de convaincre ma conscience professionnelle d’y aller.
Comme je suis obligée de me soumettre à son avis et donc de la suivre. J’y vais aussi.
45 minutes plus tard, j’arrive à l’agence. (Oui, pour ma responsable, 45 minutes c’est "à côté").
On m’a préparé des badges à l’accueil. Aucun n’est à l’effigie de la marque j’anime. Enfin, que je suis sensé être en train d’animer depuis 2 bonnes heures et demies maintenant.
Je repars néanmoins. En retard pour en retard, je déjeune à la Brioche Dorée, en me demandant si j’y vais ou pas, pour aujourd’hui.
Mais c’est conscience pro. qui tranche. Je me pointe à 14h00. Je sais déjà ce qu’on va me dire à propose de mon badge. Que je ne peux pas travailler avec un badge qui ne représente pas ma marque. Car alors, je diffuse une mauvaise communication dans l’enceinte du Séphora (l’angoisse...), et ce n’est pas correct. Satisfaite de cette réponse qui me donne enfin LA bonne excuse pour retourner me fourrer dans mon lit tout en prouvant que je me suis donné du mal pour travailler mais qu’à mon grand regret, cela m’est impossible dans ces conditions, je fais demi-tour. Je remonte les marches et quand j’arrive à la sortie de magasin, ayant fait tout mon possible pour qu’on m’autorise à réaliser mon contrat, je croise le directeur du pôle soin.
Il me demande si j’ai enfin un badge. Je lui réponds que j’en ai effectivement, mais qu’ils ne sont pas valables pour que je puisse travailler avec. Il reconnaît que c’est le cas et m’affirme qu’il est désolé pour moi, mais qu’il ne peut rien faire. Que c’est dommage pour moi, vraiment, mais que mon agence n’a qu’a prendre ses responsabilités. Je mime une mine attristée et dégoûtée en même temps. QUAND SOUDAIN, conscience pro., que je croyais endormie, ramène sa fraise. Elle sort de mon sac à main le carton à l’effigie de ma marque que j’avais découpé à tout hasard pour me donner bonne conscience, et, en ces termes, scelle mon malheur:

-"Mais par contre, regardez, j’ai ça que j’ai découpé. À la limite, je peux le coller sur un badge que j’ai, et ça fera illusion!". (la pute, je l’avais pas vu venir celle-là)

Et, le directeur de répondre:
-"Bon, ça ira pour cette fois. Tu travailleras les 3 jours avec ça, faute de mieux. Je vais pas te bloquer quand même!"

...

C’est véritablement au cours de cet épisode que j’ai pris conscience qu’en moi vivais une entité Hypertrophiée. Ma conscience professionnelle. Dotée d’une force de caractère que je ne soupçonnais pas. Imposante. Je la visualise presque; Une ombre envahissante. Qui me fait plier sous son poids sourd. Et courber le dos. Courber le dos. Le courber tant et bien que je me transforme en larbin.

Enfin, c’est jours ont été un calvaire. D’ennuie, de jambes lourdes, d’heures qui ne passent pas et de pauses déjeuner qui débordent des lignes......
Cette parfumerie, en plus, ressemble à une secte !