Journal de fin de jeunesse

Le crocodile de jeudi

Je viens de passer un très long moment au téléphone avec Fanny. Trop long moment. Je crois qu’on est resté plus de 3h et demi au téléphone.
Voilà bien tout ce que j’aurais fait de mon dimanche de repos. Avec la piscine ce matin.
Que gâchis, avec ce beau soleil. J’aurais pu aller faire une belle ballade et déguster une glace. Mais, seule ?

Cependant. Être au téléphone m’a fait du bien. Je vais mal. De plus en plus. Je croyais être sevrée depuis longtemps des anti-dépresseurs, et donc, être guérie. Mais je sens bien que ma dépression revient. Le bien-être que je ressentais n’était du qu’à la présence des molécules anti-dépressives qui persistaient encore dans mon organisme.
Alors. Parler avec Fanny m’a aidé à relativiser. À dédramatiser. À ne plus trop m’appesantir. Pour un temps.

Quand je l’ai appelé je pleurais. À cause de ma rencontre de jeudi. Ou pas.

Ce matin, à la piscine.

çA m’a pris 40 minutes d’effort pour enfin réussir à lâcher prise. Pour enfin réussir à me sentir bien, un peu.
Pour enfin me vider de toutes les ondes négatives qui ne me quittent plus depuis jeudi.

Jeudi.

La rencontre la plus sale de ma vie.
Le mec le plus abjecte à qui j’ai jamais parlé. Je crois.

Jeudi. Je me baladais tranquillement vers Beaubourg, après avoir acheté des stickers muraux et un rideau de douche pour chez moi.
Quand soudain. Je me suis fait aborder par un type. Comme ça, juste avec ces mots :

"Excusez moi mademoiselle, vous êtes artiste ??"

(j’ai compris "...vous êtes autiste ?")

Comme je n’aime pas être abordée dans la rue. Par des types comme ça. Qui vous choppent au passage. Comme un crocodile, au passage d’un jeune gnou trop proche de la rivière.
Alors oui. Comme je n’aime pas être abordée de cette façon (par un type, souvent Arabe, qui de toute façon ne me plaît d’ores et déjà pas ,car pas mon style) je me suis mise sur la défensive.
Mais trop selon lui. Car il a lancé :

"Ne soyez pas sur la défensive. Ce n’est pas une agression. Je veux juste discuter avec vous."

J’ai essayé de me détendre. Mais ce n’étais pas un bon jour, au final, malgré ce que j’avais pu penser avant de le rencontrer, lui…

Finalement, on s’est retrouvé assis sur le parvis de Beaubourg. Et lancés dans une conversation fatigante, inutile et malsaine, on en est venu à s’agresser mutuellement.
Moi, parce-que je me défendais, étant donné que j’étais provoquée par ce type, à la limite du ridicule tant sa manière exagérée d’être directe et "franc" relevait de la crise d’ados et/ou de la pathologie mentale.
Lui, parcequ’il répétait que j’étais contradictoire et autoritaire, voire angoissante comme nana. Alors que je ne faisait que me défendre face à des pics et des remarques déplacées, têtues, mal-placées et réductrices. Typique d’un mec qui, face à une fille au caractère affirmée, veut faire mal, agacer, provoquer, humilier.

C’était incompréhensible.

Il en est même venu à m’analyser. À déduire des choses absurdes et fausses de certaines de mes réactions et de mes réponses. Bien sur, en étant toujours négatif et insultant.

Jeudi, j’ai appris que j’étais une fille : angoissante, fausse, avec un pure esprit de contradiction, autoritaire, avec un sourire faux qui ressemble plus à une grimace.
Une fille qui ne dois plaire qu’aux mecs soit très très forts de caractère. Soir carrément hyper faibles et insignifiants.
Une fille ni mignonne ni sympa.
Une fille, encore, dont les mecs disent qu’elle a un joli sourire juste pour la mettre dans leurs lits.

C’était incompréhensible. Mais le plus incompréhensible, c’est que je sois resté jusqu’au bout de cette discussion lamentable. Juste, je pense, pour essayer d’avoir le dernier mot. Pour lui clouer le bec. Mais je n’ai pas pu.

Il déformait tout ce que je disais. Absolument tout. Et s’exclamait, après avoir réinterprété (peu subtilement) chacun de mes propos :

" Tu vois, j’ai raison, tu es comme ci!"
"Tu vois, tu le sais en plus que je suis proche de la vérité, tu es comme ça"
"C’est parce-que tu sais que j’ai raison que tu ne trouves rien à répondre."

Tout ça pour, au final, être tâclée de petite bobo qui semble vivre dans le 5è.
Mais la cerise pourrie sur le gâteau ranci, c’est quand il a affirmé que je risquais de finir seule et sans enfants si je continuais comme ça.

...

Comme quoi ?