Journal de fin de jeunesse

L'hôpital

Je viens de passer la soirée avec Maly. Elle est venu voire mon apart'. Ensuite on est sorti dîner. Pas dans un restaurant indien.
Y’a que ça par ici. çA devient lassant.

En rentrant. Je suis passée devant l’hôpital qui donne sur la rue du Faubourg Saint Denis. Je ne sais pas de quel hôpital il s’agit. Juste que c’est un hôpital. Assez ancien. Avec un service limité. Je crois un service gériatrie entre autres.

Je suis attiré par les hôpitaux. En passant devant, j’ai regardé par delà le porche, à cette heure-ci fermé par des barrières automatiques. J’ai regardé les bâtiments sombres. On les distinguait mal dans la nuit. Mais suffisamment pour comprendre de quels bâtiments il s’agit.
Les hôpitaux m’attirent.
Je m’y sens bien. Je les trouve rassurants.
Je sais qu’ils devraient m’angoisser; après ce que ma mère y a vécu, après les souvenirs horribles que j’y ai, de ma mère malade, qui voulait être, sans le dire, partout sauf là bas. Sauf dans l’hôpital.

Sauf qu’ils ne m’angoissent pas.
Et chaque fois que je passe devant cet hôpital. Et que je regarde la grande cour pavée, cerclée de bâtiments. Chaque fois, je me sens comme attirée. Et je pense que j’aimerais y être. J’aimerais bien.

Ce soir par exemple, je me suis imaginé dormir dans une chambre de cet hôpital. Seule. Dans un des ces lits standardisés. Bien au chaud. Bercée par le ronronnement rassurant des machines électroniques. Dans la lueur apaisante de leurs clignotement incessants.
Et ça m’a attiré.
Au lieu d’une sensation d’angoisse et d’étouffement; c’est une sensation de bien être, de paix qui m’est venue. Que j’ai associé à une chambre de cet hôpital. Où je dormirais. Où je somnolerais. Dans la berceuse douce et feutrée des machines.

C’est comme les couvents.
Souvent, je me suis imaginée dans une cellule. Dans le silence paisible d’une cellule aux murs de pierre. Le silence. Le vrai silence. Celui des jardins et des potagers. Celui des livres. Celui des mots tus.
Imaginée dans la cellule d’un couvent. Finir ma vie comme ça. Dans la tranquillité la plus parfaite.

Je suis anormale. C’est anormal de se sentir attiré par le bien-être d’une chambre d’hôpital.
J’ai déjà envié ma grande soeur; dans ces cliniques psychiatriques avec leurs jolies chambres, leur vue sur le parc. Leurs parcs silencieux où l’on peut lire à l’ombre.

Je me fait peur parfois. Mais je suis juste très honnête : ce que je ressens, c’est ça. Une part de moi est comme ça. Est cette fille qui a envie d’être allongée dans une chambre d’hôpital.
Avec toutes les angoisses, à vomir de peur, qui se tiennent cachées juste derrière la porte. (là où les médecins parlent entre eux, et parlent à la famille.)