Journal de fin de jeunesse

Folie

Je souhaiterais me reposer.
Je devrais me reposer.
Je cherche à me reposer.

Mais je n’y arrive pas.

Je n’arrive pas à être aussi sérieuse que je le voudrais.

Jeudi soir, alors que je travaillais le lendemain. (Et oui, dans les beaux quartiers parisiens, le luxe ne connaît pas de répit, même les 11 novembre...).
Jeudi soir je me suis rendu avec ma soeur C. à l’anniversaire surprise de Françoise.
Pour ses 60 ans, sa famille lui avait concocté une fête surprise avec pour thème les années Disco.
Jeudi, j’étais fatiguée. Et avant d’y aller, j’étais affalée sur mon canapé. À lire. Le chauffage poussé à fond.
Et sans aucune envie de sortir dans le froid et la nuit.

Mais je me suis faite violence.
Après 30 minutes de métro, j’ai rejoins ma soeur à Châtillon. On a attendu pendant un éternité le taxi qui devait nous emmener à la fête.
Mais; une fois dans le taxi, qu’est-ce qu’on a rit.
Je n’avais pas ris comme ça. Avec cette sincérité là. Avec cette démesure là. Pas ris comme ça depuis de longs mois. Rire jusqu’à s’étouffer. Pleurer. Et produire d’affreux grognements d’animaux.
On a rit parce-qu’on a parlé de la famille. Des Noëls. De mamie. De Françoise et de sa tenue de Noël..... Et c’était tellement drôle.
Le chauffeur de taxi s’est mit à rire aussi.

La soirée était agréable. Il y avait aussi les amis de papa et maman maintenant amis de papa et Françoise. Des anciens voisins que je n’avais pas vu depuis des années.
C’était triste un peu. En les revoyant, de retourner à ma vie d’avant. A la maison. Quand maman était là.

J’étais contente et émue de voire papa. Il a dansé. J’ai eu un pincement au coeur. Une incompréhensible angoisse. De le voire là. Danser. Fragile. Une peur infinie de le perdre. De le perdre, lui aussi…

Je suis rentré très tard et le matin ça a été un cauchemar de se lever et d’aller au travail.
J’avais, en marchant dans le froid de ma rue, ayant délaissé mon lit si chaud. J’avait l’impression d’aller à l’abattoir.
Et je marchais. Dans l’horreur d’aller au travail.

Pénible comme sentiment.

Hier soir aussi. Je n’aurais pas du sortir. Je suis trop fatiguée. çA se voit sur moi. Et j’ai bien trop de travail aussi.
Mais Maly m’a proposé un verre une taverne mexicaine.
On a bu un délicieux cocktail à base de tequilla, de concombre er de piment.
Puis, on est allé dans la zone de restauration. Sorte de petite cantine très semblable aux Taquerias de là bas (et qui faisait mon bonheur).
Il y avait un monde fou.
On a finalement réussi à s’asseoir.

Mais, un peu avant. En rentrant dans cette Cantina'' justement, je me suis senti inondée par une déferlente de souvenirs mexicains. De sensations latines. Olfactives et puissantes.
L’odeur du Queso Manchego en train de griller en cuisine m’a ramené subitement dans le grouillement des rues de Mexico et de Puebla. M’a ramené dans ces rues sales et enfumées, avec mes amis révolutionnaires, dans notre quête de bons tacos al carbon.
Cette sensation, madeleine de Proust inattendue, m’a prise par surprise et m’a jeté dans les méandres du souvenir. Et m’a laissée, perdue, frustrée, soudain esseulée et triste dans ma réalité parisienne. Loin de tout ça. De cette effervescence là. Loin de la folie mexicaine qui me comblait, absolument. M’a laissée terrassée dans le souvenir éparpillé. Qui soudain d’évapore. Et ne laisse plus que l’ébauche de lui même. Et ce questionnement lancinant : "Souvenir ou fantasme ?''"

On s’est assise, disais-je. On a mangé de vrais bons tacos. Pour la première fois, j’ai mangé de vrais tacos, de la vraie nourriture mexicaine, en dehors du Mexique.
Et pas ces saloperies tex-mex sans saveur que l’on nous sert fièrement dans tous ces soit-disant restaurants mexicains.

çA a été dure. De replonger comme ça, nez le premier, dans cette époque heureuse de ma vie, sans y avoir été préparé.

Troisième folie de la semaine.
C’était hier soir, en sortant du travail (beaucoup trop tard alors que j’avais quelque-chose à faire, comme par hasard).
J’avais repéré lors de ma "pause- (hahahaha) déjeûner". J’avais repéré ce magnifique pull en mohair dans la vitrine de ce temple des merveilles qu’est la boutique Manoush de la rue Saint Honoré.
Je l’avais fais mettre de côté dans l’intention de venir le chercher le soir même.
Bon, évidemment, des clients de dernière minutes (toute une flopée sorti d’on ne sait où) ont fortement compromis mon projet d’investissement.
Finalement j’ai quand même réussi à sortir 10 minutes avant la fermeture de la boutique Manoush. Non sans avoir déceler l’intonation réprobatrice des mes collègues lorsqu’elles ont répondu à mon aurevoir (pourtant bien mérité) !

Et le pull. Je l’ai acheté.

Une merveille. De douceur. De finesse. d’élégance et d’originalité. Avec cette touche Gitane éloquente mais pas clinquante qui donne toute sa grâce à la marque Manoush.
Je l’ai acheté oui. Mais c’est une vraie folie.
J’avais 1600 euros sur mon livret jeune que je gardais en vue du remboursement de mon prêt.
Il me reste 1300 euros.

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