Journal de fin de jeunesse

Cordoba

J’ai fais un rêve des plus étranges cette nuit.
J’ai rêvé que je visitais la Mosquée de Cordoue avec maman.

La mosquée était en partie en travaux, ce qui ne permettait pas de l’apprécier pleinement. Les arcs outrepassés, dans la première salle, étaient tous couverts de grandes bâches blanches. Le tout conférait une texture vraiment glauque à l’ensemble. Triste. Poudreuse. Gâchée.
Maman était à côté de moi. Je lui narrais l’histoire de cette mosquée-cathédrale vieille du XIIé siècle.
Mais maman était absente. Ailleurs. Inattentive.

Elle était exactement comme à la fin de sa vie. Quand je la voyais comme ça; ailleurs, déconnectée, incapable de réellement se concentrer sur quelque-chose. Absente. Dans l’attente d’une chose que je ne saurais jamais.
Ailleurs. Comme loin d’elle même déjà. Cette inattention, cette absence était, je le sais, du aux métastases qui lui dévoraient le cerveau.
Et la voire, comme ça, loin déjà, c’était une souffrance que j’étouffe encore.

Alors dans le rêve, dans la mosquée avec moi (sous une Cordoue pluvieuse), c’est comme ça qu’elle était.
Comme douloureusement je m’en rappelle.
Elle pourtant. Bien elle. Mais : elle à la fin.

Puis, nous avons pénétrée dans la partie chrétienne de la mosquée-cathédrale. Un immense Christ en pierre, peint, ridicule et caricatural se tenait sous les hautes voûtes.
De part et d’autre de celui-ci se tenait deux personnes : un homme déguisé en Jésus (à sa droite), et une femme déguisée en Marie (à sa gauche).
Ils étaient assez loin. Ils avaient l’air paisible. Maman ne réagissait pas vraiment à cette scène.
Ils avaient l’air paisible mais; mes yeux semblaient surpuissant et capables de voire de loin. Et alors, je voyais vraiment ce qu’il se passait.
En fait, la personne déguisée en Jésus et la personne déguisée en Marie se noyait. Ils étaient assis sur un banc, de part et d’autre du grand Christ de pierre. Et ils paraissaient ne pas pouvoir bouger. Et de l’eau montait, rapidement. Et je voyais leurs visages se tordre de terreur et de suffocation. Je les voyais se noyer. Impuissants face à l’eau qui les submergeai. J’assistais à leur agonie. Horrifiée. Je les contemplais se faire tuer par l’eau criminelle, envahissante, froide, terrifiante. Collés à leurs banc. Dans la certitude immonde de leur mort imminente. Douloureuse et lente.
Puis l’eau les recouvrait complètement. Et je les voyais mourir en douleur. Epouvantable vision. Je voyais l’homme surtout.
Maman à mes côtés. Absente.

J’ai repris les cours aujourd’hui.
Jordi m’a encore écrit qu’il m’aimait.
Je lui ai renvoyé une photo de moi lui faisant un grand doigt d’honneur et l’embrassant en même temps.
J’ai du boulot. Je suis fatiguée.
Je crois que mon connard de voisin d’en dessous est rentrée. Lui et sa télé qui me pourrissent le vie.
Je veux être au Mexique.