Journal de fin de jeunesse

Ben & Jerry's

Alors, elle y est retournée.

Alors, hier soir, j’y suis retournée.
Même heure : 18h50, même arrêt de métro : Place clichy, ligne 2.
Mais; je ne l’ai pas revu.
Le garçon. Le beau et drôle de garçon qui ressemblait à Carlos.
Celui qui avait le même sourire et, aussi, le même regard porté sur moi que Carlos.
La même allure d’enfant triste que Carlos. La même moustache mal rasée que Carlos.

C’est drôle. J’avais mis ma jolie robe et mon cuir. Le cuir dans lequel il m’avait vu et il m’avait souri la semaine dernière. À la même heure et dans le même métro.
Et le même wagon aussi. J’ai oublié de dire ça. Qu’hier, je suis monté dans le même wagon.

Avec ma jolie robe, toute la journée, j’ai su que je frôlais le pathétique. J’ai admis que j’étais sûrement une fille un peu folle.
Folle de faire et de croire à une chose pareille.
Mais, toute la journée dans ma jolie robe. Celle qui a affolé mon prof de dessin : "Oula ! Y’a du monde Anne...", et aussi mon prof de français. Dans cette robe là, j’ai senti comme quelque-chose qui me forçait à transcender le ridicule et la folie pathétique. Qui me poussait à les dépasser pour revenir sur les lieux de mon coup de foudre. Mon coup de foudre triste et nostalgique. Auréolée du fantôme de Carlos.
Même, j’ai dit aux filles :"Je sens que je vais le revoir. Je vous jure, y’a comme un truc qui me pousse à faire ça, à y retourner. Ma tête sait que c’est ridicule, pourtant c’est plus fort que moi. C’est un signe non ?"

T’es trop mignonne, elles ont dit.

Mais. Ce garçon là. Je ne l’ai pas revu.

Je ne me suis pas senti stupide, ni fofolle. Ni rien.
Je n’ai rien senti. Et je suis rentrée chez moi.

Je suis passé chez Franprix où je me suis achetée une bouteille de Grenache rosé Bio, une pizza tomate-mozza et une glace Ben & Jerry’s au parfum "Fairly Nuts".
Presque contente, d’avoir ma bonne raison de les engloutir. Tous.
Puis, j’ai envoyé ce texto à Audrey qui voulait que je la tienne au courant :

Bon ben suis apparemment la reine des connes… Donc voilà, je vais bouffer de la glace et me bourrer la gueule devant Docteur House!!! ! Lui au moins je suis sure de le retrouver à la même heure au même endroit.

Et c’est ce que j’ai fais.
En pensant très fort à Bridget Jones. Et en me disant que la vie a vraiment deux visages. La mienne de vie, en tout cas;
Un visage sombre, passionné, qui se nourrit de tragédies, de coups de théâtre et de nostalgie et de spleen...
Et. Un visage chatoyant, qui sait faire tourner les truc à la comédie. Et qui respire l’humour, la dérision et l’ironie et la résignation grinçante.
C’est comme quand j’écris. Je me rends compte que je peux me montrer hyper poétique et pleine de style, puis deux lignes plus tard complètement fade et plus ou moins marrante style blogueuse mode ou beauté.
C’est déstabilisant. Cette impression de bien écrire. D’être assez douée pour retranscrire dans un style propre des sentiments… Puis cette impression immédiate d’écrire mal. Maladroitement. Et sans aucun talent.
Je ne sais pas quoi penser de moi.

çA me fait penser à un truc que j’avais écris y’a longtemps, en référence aux pensées qui me venaient, belles dans ma tête, bien tournées. Et pourtant complètement défigurées sur le papier, comme inexprimables avec de l’encre....
J’avais écris:
"Plus j’écris et moins j’ai de talent".

Pour être plus clair, pour être plus dans le jeu de mot, j’avais écris plus loin, ou plus tard:
"Le talent c’est comme l’encre : plus j’écris, moins j’en ai. "

(J’ai mangé ma pizza et ma glace SANS CULPABILITÉ, et c’était bon. Mais là je viens de me ré-empiffrer de glace. Faut que je fasse gaffe quand même. Mais je vais bientôt m’inscrire à la salle de sport et commencer une hygiène de vie irréprochable, alors..)