Journal de fin de jeunesse

Car je lui plais

Il me l’a dit.
L’a enfin révélé.
Me l’a enfin révélé.
Me l’a soufflé timidement. Au creux de la nuit. De ma nuit. Après un orage. Une tempête à couper le souffle. À faire tambouriner le coeur, frénétique. À faire se tordre les pensées. À les faire se perdre en des chemins escarpés. Tempête trop longue et trop subtile pour moi. Moi. Je préfère les orages qui éclatent vite et ne laissent pas le temps au coeur de valser.
Enfin, je le crois.
Mais : j’ai aimé ce jeu. J’aime ce jeu. Ces sous-entendu. Ces allusions. Ces chansons aux titres explicites. Qui me font espérer. Rêver. Me perdre. M’égarer dans des rêveries érotiques, folles, suantes, collantes et humides. Et essoufflées. Et gémissantes. Ces chansons aux titres explicites que je reçois. De lui. Lui, l’air de rien. Moi, imaginant tout.
Je suis dans le même état. Le même état qu’après la séance photo au cimetière; Désirante. Désireuse. Physiquement, à fleur de peau. Je sais, là. Je sais bien que ses mains, simplement sur mes hanches, au contact de ma peau, ça me perdrait. çA me brûlerait. çA m’emporterait.
J’ai envie de danser. J’écoute Tito Puente et La Lupe. Salsa. Je bois un bon vin. Je suis partie déjà. Je sens mon corps prêt à s’envoler. À danser. Moite et exalté. Délirant.

Je me sens : excitée.

Je pourrais lui faire l’amour juste là. Avec ce rythme là. Dans cette musique là. J’ai tellement envie de le faire jouir là.

Mais : je m’égare.
Il me l’a dit. Oui.
Que je lui plaisais.
Je lui ai avoué que j’avais rêvé de lui. Encore. Mais un rêve érotique cette fois. Il a eu du mal à le dire. Mon photographe timide. Si blond. Les yeux si bleus. Si frêle. Si dandy. Tellement loin des hommes que j’aime. Il a eu du mal à me le dire.
Mais, alors que mon coeur allait exploser de battre aussi fort. Et mon ventre imploser de se tordre autant d’angoisse (amoureuse) et de papillons mélangés. Alors que j’en étais là. Encore dans ce jeu qui n’en finit plus. Qui n’en finit plus car : je vis à Paris et lui vers le Sud. Alors qu’on en était là.
Moi, lui avouant : qu’il me faisait de l’effet à tel point que je ne pouvais plus me concentrer, ni en cours, ni ailleurs. Lui : jouant encore, au delà des limites de ma patience. Alors, là, il me l’a confessé :
"çA me fait plaisir d’être dans tes rêves. Très plaisir même. Car tu me plais."

Ces mots. Auxquels je ne croyais pas. Dont je doute depuis plus d’un mois.
Que je n’attendais plus. Mais que j’espère tellement.
"Tu me plais."

Oui. Mais je lui plais comment ?
Ses autres modèles aussi, elles lui plaisent ? Comme cette satanée pétasse aux cheveux rouges !

Plaire, ça veut dire quoi ?
"Tu te poses trop de questions!!!!", elles me disent les filles. Les copines. Les filles de ma classe aussi. Qui me trouvent "trop mignonne", et qui admirent ma façon de "vivre à fond mes sentiments".
Plaire, c’est plaire. Non ?
çA veut dire, envisager la possibilité de vivre quelque-chose ensemble. Non ?
çA veut dire qu’il pense à moi ? Aussi ? Qu’il rêve de moi ? Qu’il a envie de moi ? Que je l’obsède ?
J’aimerais tellement savoir.
Qu’est-ce qui me dit qu’il ne dit pas pareil à ses autres modèles ? Comme cette satanée pétasse aux cheveux rouges.

Cette photo qu’il a prise de moi ce jour là. Déjà, je me donnais à lui. Déjà, j’étais dans le désir. Dans l’attente de lui.
Il me désire aussi. Il me l’a fait comprendre. Ma bouche, il a dit, est renversante. Et : il ne va pas tarder à fondre pour elle. Si belle bouche.
Mais ça veut dire quoi ?

J’en saurais plus quand je le verrais. Dans 15 jours. Une attente qui me rends folle d’impatience et de trouille aussi. J’en attends tellement. Et lui, il doit en attendre tellement...
Je voudrais le rendre amoureux.
Je ne veux pas être la seule à sombrer comme ça. Dans l’état amoureux.

Je lui plais. çA veut dire quoi ?