Journal de fin de jeunesse

En silence

Il me manque à chaque instant. La situation, avec lui, est tellement ténue. Notre rencontre est évidente. Tout est évident avec lui. C’est la situation qui ne l’est pas.
Vivement. Vivement qu’elle le soit. Et vivement qu’elle, elle ne soit plus là.
Ce matin, il est venu me rejoindre à 6h00 chez moi. Moments magiques. De plénitude. La plénitude, comme il dit lui. Moi, je parle plutôt de moments de grâce. Je lui dis que chaque instants avec lui est un moment de grâce. Il me répond, extasié.
Il s’est glissé dans mon lit. Nous avons fais l’amour en silence. En silence car j’héberge Sandra, une amie du Mexique. Nous ne devions ni la réveiller, ni la choquer.
Prendre autant de plaisir dans le silence le plus absolu, s’en est un aussi, un moment de grâce.
Il m’a dit qu’il voulait voir mon corps s’arquer sous sa langue. Et moi, penser, encore, à son visage dans le plaisir, ça me rend stone.
Je voudrais lui dire tout ça. Mais j’ai peur d’être trop. De trop. Depuis le début, de toute façon, je suis : dans la peur.
à Cet instant même, j’écoute Billie Holliday. Et je suis dans la peur. La peur qu’il ne disparaisse. Un amour naissant aussi puissant, c’est terrible. S’il disparait, c’est un peu comme la mort : irrémédiable et lancinant. Et la douleur reste toujours un peu, comme les morts.
Il me rassure. Il m’assure que oui. Que c’est moi. Et que jamais, jamais, il n’a ressentie ça. Toutes les choses qu’il me dit trouvent un écho en moi. Un écho que je m’ignorais. Je ne pensais pas résonner comme ça un jour. Des fois, ça me fait mal d’y penser. Mais on ne dit pas "des fois". Mais ça me fait mal quand même. Penser que de moi même, je serai capable de le faire disparaitre. D’influencer les choses, les évènements…

On a commencé la journée ensemble. Incapables de se séparer l’un de l’autre. L’un dans l’autre. Je le sentais encore en moi des heures après.
On devait la terminer ensemble. Mes les choses changent; lui ne peut pas. (à Cause de ses dents.)
Ce que j’ai peur d’écrire de telles choses. Et qu’alors tout bascule. D’être investie d’un possible pouvoir qui me ferait ruiner toute chose, tout le temps. Mais surtout celle là : la jolie chose.
Mes amies disent que je suis tellement dans l’émotion que je confonds pressentiment et appréhension.
Et lui, il dirait quoi ? à cet instant précis là ? Il pense encore que c’est moi ? Il sent toujours qu’il n’y a que moi.
J’aime le goût de sa salive quand il me désire, elle change. Elle prends comme le goût de la mienne. Celle que je me connais quand je suis excitée. C’est étrange. Je n’avais sentie ça avant. Avec personne.
Mais : avant, il n’y a personne.