Journal de fin de jeunesse

La bouche bée

Je suis aphone. çA a commencé doucement, dimanche après-midi. (Dimanche après-midi alors que j’étais avec lui dans le cimetière.);
La gorge qui me grattait. Et je toussais sans savoir pourquoi. Le stress, je me suis dis. La timidité aussi peut-être.
Puis. Mardi, mon timbre de voix a commencé à changer. À s’enrouer. À se rompre. Comme du verre brisé. Ce n’était pas pour me déplaire. J’aime le cachet que ça me donne. Le côté mystérieux et sensuel d’une Gitane. Et, sûrement, j’ai empiré les choses et criant et en riant toute la soirée comme une folle avec Margaux. À la fête foraine.
J’ai décidé qu’on se verrait à la fête foraine, plus sympathique et originale qu’un simple café. J’ai décidé qu’on y passerait la soirée parce-que je me mets à la photo. Doucement. En m’amusant.
Et la fête foraine est un bon terrain de jeux. (Celle-là même d’ailleurs où j’étais allé avec David le mardi d’avant. Apprendre à me servir de mon appareil...)

Et me voilà sans voix. Et depuis aujourd’hui, malade : nez qui coule, sensation de fébrilité...
Affaiblissement du système immunitaire post- traumatique depuis l’annonce par D. de la fin du Monde ?
Ou faiblesse post-coup de coeur ?

Oui. j’ai eu un vrai coup de coeur. Pour lui. Le photographe. J.
Encore un J. Comme si tous les mecs qui étaient fait pour me plaire, me plaire vraiment. Tous ceux qui étaient nés pour laisser des traces indélébiles sur mon coeur. Tout ceux là avaient un prénom commençant par J. Je dirais même plus commençant par Jo… C’est étrange.

Honnêtement, je ne pensais pas qu’il allait me plaire. Et je me rendais au cimetière sans rien attendre d’autre qu’un bon moment passé à poser pour un photographe. De plus, les photos de lui sur internet me laissaient présager un mec un peu terne avec une drôle de tête. Après tout, je ne l’avais vu qu’une seule fois en vrai. Et brièvement : à la gare de Châtelet, tandis qu’il me mitraillait avec son appareil photo. D’autant que pour que je lui écrive mon email, il avait sorti un télérama de son sac à dos.... "Un bobo tirant sur le snob", j’avais pensé. Ne trouvant rien d’autre dans mon sac qu’un crayon à lèvres pour lui écrire mon email. Ce qui l’avais d’ailleurs fait rapidement rigoler.
Mais. Dimanche, rien que sa voix, j’ai aimé.

Heureusement qu’il ne me connaît pas. En effet, quand un homme m’attire, j’ai envie de rire.
Et de poser pour lui. De le voir chercher le bon angle, la bonne lumière derrière son appareil. De le regarder me fixer à travers l’objectif. De deviner un sourire sous l’ombre de l’appareil… Tout ça, ça m’a fait ressentir une violente attirance. Et souvent, j’avais envie de rire.
Un moment même, je n’ai pas pu me retenir. J’ai rigolé. "J’ai envie de rire, j’ai dit"
çA l’a fait rire aussi : "Pourquoi ?". "Je sais pas, comme ça..."

C’était dingue comme expérience. Parce-que vraiment, j’ai été conquise. Et lui, il me demandait de faire ce que je voulais. Je bougeais bien sur. Enlaçant la pierre, ou un arbre. Et mes bras, peu à peu, glissaient. Comme une caresse. Comme ils auraient glissés sur son corps à lui si ils en avaient eu l’occasion. Mes mains plaquées passionnément sur la pierre coulaient comme sur le corps d’un homme inconnu. Lentement. Sûrement. Déterminées. Et intimidées. Et je me sentais sensuel. Et le fixais. Et lui, il me regardait.
Et je n’avais (et n’ai toujours) aucune idée de ce qu’il avait dans la tête.
Rien ?
Du désir ?
De l’intérêt purement photographique ?
QUOI ?

J’ai voulu être sobre. Paraître plus âgée. J’ai mis une chemise blanche, un jean brut et des bottines noires. Un peu de mascara. Du rouge à lèvres rouge.

La seule chose que je sais c’est; que pendant un court instant, il s’est passé quelque-chose:
Il a trouvé un petit mausolée avec une toile d’araignée dense. Il a voulu m’y photographier. Moi, contemplant avec émerveillement cette toile d’araignée. Pour lui. Pour ses photos. Et soudain, j’ai eu une idée : Cette toile d’araignée, c’est moi qui en suis l’auteure. Je suis l’araignée. Et alors, je me suis tournée vers lui avec le regard sournois et séducteur de l’araignée qui vient d’achever son oeuvre et défie ses proies du regard. Il a éclaté de rire. Parce-qu’il a compris instantanément ce que j’avais dans la tête. Quelle était mon idée. Et j’ai adoré ça. Ce rire entendu. J’ai adoré qu’aussi naturellement, il sache ce que j’insinuais ! Et j’ai éclaté de rire aussi. C’est là, à cet instant là, qu’il m’a prise en photo. Et cette photo est grandiose. Parce-qu’on voit qu’il s’y passe quelque-chose. Entre lui et moi.
Dés que je l’aurais, je la posterais ici.

Je n’avais pas envie qu’il parte. Je n’avais pas envie de le quitter. Il m’a invité à prendre un verre. Mais c’était trop court. Je me rappelle, on tenait nos visages tout proches l’un de l’autre pour regarder les photos. Et je me sentais toute chose. Et toute euphorique. Même son odeur j’ai aimé. Discrète. Subtile. Androgyne.

Il m’a complètement fait craquer.

C’était trop court oui. Il est parti assez vite après. Il avait un train mais bon.
Je sais pas. Il ne m’a pas fait la bises en partant.
Je crois bien que je l’ai déçu.
En fait, je crois que de son côté il espérait quelque-chose. Mais qu’il n’a pas ressenti de quelconque attirance. C’est ce que je sens. Que je l’ai déçu. Pas emballé.
Et de mon côté; c’est le contraire.
(Evidemment, je ne lui plais pas, je ne plais qu’aux déchets… je suis triste).

Bien sur, je lui ai souhaité plus tard, par texto, un bon voyage. Auquel il a répondu que c’était un plaisir de m’avoir revu ect.
Et le lendemain, c’est lui qui est venu me saluer sur FB.
Bien sur, je sais qu’il me trouve belle, et "débordante de charme", il me l’a dit. Enfin écrit.
Mais le trouve froid. Pas intéressé.
Et moi il m’a touché.
Et depuis je ne pense qu’à lui.

Alors, il s’en fout ? Ou il n’en sait rien vu qu’on ne s’est vu que deux courtes fois en 2 mois et demi et qu’il habite loin ?
Je sais qu’on est amené à se revoir. Il m’a dit, texto, que plus je le connaîtrais et plus les photos seront intéressantes...
Ma soeur dit que c’est évident que je lui plaît bien aussi. "Tu es tellement jolie !"
(Oui. Et après ? ça ne fait pas tout.)
Margaux le pense aussi. Mais vu les circonstances, il n’a aucune raison de s’emballer ni de se monter la tête avec moi.
Peut-être qu’il n’est pas comme moi. Peut-être qu’il attend de mieux me connaître avant de savoir quoi-que ce soit…

Mais une choses est sure, du moins je crois : il semblait plus intéressé par moi avant de me revoir.

J’espère que je me fais des films. Et que les filles ont en partie raison.
J’ai conscience que je suis pathétique. Mais ça faisait longtemps que je n’avais pas eu de coup de coeur.

Dans tous les cas, il me laisse sans voix.

(Jamais 2 J. sans 3 ?)