Journal de fin de jeunesse

Les livres

Je reviens de chez ma thérapeute.
On est passé de mon obsession pour le vih (qui revient, putain faut que je fasse le test mais j’ai trop peur) à la mort de ma mère.
Je ne l’ai pas enterrée. C’est ce que ma psy pense. Et je culpabilise de vivre alors que ma mère est morte, alors je m’imagine avoir le vih, ça m’évite de me projeter dans l’avenir. Et ça me rend bien malheureuse, (comme je le mérite.)

(Mais putain, il faut qu’encore une fois j’ai les couilles de faire ce test.)
Et après ? S’il s’avère négatif ? Est-ce que je recommencerais, peu de temps après quand la peur sera passé, à prendre des risques avec un inconnu ? Pour plusieurs mois après, voire plus d' an après comme c’est le cas cette fois, retomber dans la peur et la psychose ? À me dire que je n’aurais pas du faire ça, que je m’étais promis que ça n’arriverait plus...
Putain de vie. Putain de cycle dans lequel je m’enferme.
Je fonctionne vraiment comme ça. J’y crois maintenant. Je le vois maintenant; je refais les mêmes erreurs à chaque fois pour être sure de bien être toujours dans la merde.

J’ai lu, il y a peu de temps. J’ai lu sur je ne sais plus quel site internet. J’ai lu une citation de je ne sais plus quelle femme. Mais ce n’est pas important. Ce que j’ai lu, c’est ça. Je ne m’en rappelle pas précisément. Mais ça disait, comme ça, que si la vie suffisait, la littérature n’existerait pas.

(je m’en souviens maintenant, c’était sur le profil FB de Contexto Libro, la librairie tenue par l’oncle de C. au Mexique.)

Et c’est vrai. C’est ce que je ressens profondément depuis ces deux dernières années. Ma vie est en suspend. Elle stagne. Elle est immobilisée. Pour patienter, j’ai les livres. Les livres. Leur richesse sans limite qui me rend heureuse, le temps que je les lise.
Je ne suis plus là. Dans la vie que je n’aime pas. La vie en suspend. La vie immobile. La non-vie.
Je suis dans une histoire. Dans une vie qui m’absorbe, un temps, et me fait oublier la mienne. Si vide.
Parfois, c’est mon seul bonheur de la journée; le moment où je me glisse dans mon lit et où je rentre dans le livre. C’est un peu triste. Un peu chagrin.
Mais c’est incontestable. Grâce à ça, pour l’instant, je tiens.

Encore un an.
Plus qu’un an.
Et je pars loin. (Enfin si je ne suis pas séropositive...)

J. disait que si je lisais autant, c’était pour fuir la réalité.
C’est vrai.
Une dose de lecture me fait plus de bien qu’une dose de réalité.
J’attends que ma réalité me plaise.
J’ai peur que ça n’arrive jamais.