Journal de fin de jeunesse

Les livres pas encore écrits

Je laisse poser un masque à l’argile sur mon visage fatigué.

Ensuite je regarderais La Nuit du Chasseur.

Demain j’ai un devoir de physique. Celui sur les chapitres sur l’électricité. Je n’ai rien révisé. Je n’ai pas mis une seule fois le nez dans ces cours improbables auxquels je ne comprends rien.
Je n’en ai pas le courage. Ni la volonté.
Aujourd’hui, pendant le devoir de chimie organique, pour lequel je n’avais pas révisé non plus (comme tout le monde), j’ai lu Hiroshima mon Amour de M. Duras. Une merveille. Je l’ai commencé dans le métro, je crois. Je ne me souviens plus trop. C’était il y a quelques jours. Aujourd’hui j’ai un peu avancé. Avancé dans le livre. Dans l’histoire simple. Dans l’écriture onctueuse et voilée de Marguerite Duras. Abasourdie par la violence et la pureté de cet amour que je crois avoir connu, aussi. Quelque part. Pas à Hiroshima. Cet amour là. Le seul qui vaille la peine de souffrir mile ans s’il le faut. Un si grand bonheur vaut la douleur qui, invariablement, vient après.
J’étais là. Prise dans cet amour là. Quand Audrey m’a demandé en chuchotant de quoi il s’agissait.
Passionnée, je lui en ai fais le résumé. Je lui ai dit, aussi, que cette histoire ne durait qu’une journée. Avec sa simplicité que j’apprécie tant, elle m’a répondu : "Et tout un livre il faut pour juste une journée ??!!"
çA m’a ravie. çA m’a fait rire.

(Je viens de rincer mon masque. J’ai mis une crème hydratante. Ma peau tire un peu… On verra demain les résultats au niveau des pores. Si ils sont bien resserrés.)

Quand je pense à Monsieur William. C’est à dire tout le temps. Quand je pense à lui, je repense à Toni Morrison, et ce qu’elle avait dit le jour du Festival America à Vincennes; À la question de savoir pourquoi elle écrivait, elle avait répondu que c’était parce-qu’ils y avait des tas de livres qui n’existaient pas et qu’elles auraient aimé lire. Alors, elle les écrivait.
J’avais trouvé ça génial. Gracieux et plein d’esprit. Intelligent en somme. Ce genre de réponse que j’aurais aimé donner moi.
Alors, quand je pense à Monsieur William, et à cette histoire qui n’a pas encore débuté, c’est ce que je me dis; que puisqu’elle n’est pas écrite mais que j’aimerais la lire, et bien c’est moi qui vais l’écrire.