Journal de fin de jeunesse

Ses larmes

On est allé voir La cour de Babel tous les deux hier soir au cinéma.
Il a pleuré. Il n’a aucune limite dans ses émotions. Aucun garde-fou. Aucune barrière ni aucune contre-indication socio-culturelle. Il a pleuré. Parce-que qu’il est entier. Il ne retient rien.
Il a pleuré quand il a été temps pour les élèves de se séparer à la fin de l’année scolaire. Et moi, de le sentir pleurer à côté de moi, ça m’a fait l’aimer encore plus.
J’essaie de me débarrasser de mes mécanismes de défense avec lui. De mon éternelle volonté de fuir par peur d’être blessée. Plus je passe du temps avec lui, puis j’y crois.
Je suis encore pleine de son odeur. Imprégnée de ses baisers. Il est très stressé avec l’idée de me faire l’amour. Il a tellement peur de ne pas me combler qu’il n’y arrive pas longtemps. Il a peur de me perdre à cause de ça. S’il savait : à quel point c’est anodin. à Quel point on a le temps de se combler. Quand il est dans cet état de préoccupation, je tombe encore plus amoureuse de lui. Lui. Moi aussi ça m’inquiète un peu, de mon côté. J’ai beau le désirer, mon corps ne réagit jamais comme je voudrais quand je le voudrais.
Il est tellement beau. Tellement magnétique. Et il doute tellement de lui. On se ressemble là dessus.
Ensuite, après le cinéma, nous avons flâné dans Paris la nuit. Il faisait bon. C’était magique. Nous nous sommes extasié, rue des Petits Carreaux, sur un façade entièrement végétale. Tous les deux, nous avons eu la même impression que la gravité s’inversait. Et qu’au lieu d’être debout face à un mur végétal, nous volions au dessus. La même impression, au même moment. On s’est regardé. Et on s’est compris tout de suite.
Ce que je me trouve tarte quand je lis ce que j’écris; la fille simplement amoureuse qui s’imagine que ce qui lui arrive est extraodinnaire.
Nous sommes rentrés chez moi. L’appartement est un désastre depuis que j’héberge Sandra (qui, très culotté, ne s’est pas demandé si ça me dérangeait) et depuis que Papillon passe des nuits à la maison. Quand il est là, je me lève 20 minutes avant de partir au travail : plus le temps de faire le ménage, la lessive, de ranger ou de faire des courses. D’ailleurs, je ne mange plus. Je suis passé à 48 kilos. çA me va.
Sauf hier soir, après le cinéma et la ballade dans Paris, nous avons mangé indien. Dans ma rue. C’était bon. Il a aimé aussi.
Il a pleuré. Et en sortant de la salle, m’a demandé, inquiet, si ça n’avait pas trop atteint sa virilité... Tu sais très bien que non, je lui ai dis. Tu sais très bien que c’est le contraire, que tu me plais encore plus comme ça.