Journal de fin de jeunesse

Végétale

Je me sens d’humeur végétale. J’ai passé une bonne partie de l’après-midi au Jardin des Plantes. à photographier les espèces d’arbres de la grande serre notamment. Il faisait beau et bon. J’avais Papillon dans la tête à chaque instant. Tout en me retrouvant moi même : dans la créativité, dans l’oeil aux aguets, dans le contact avec la nature, dans la solitude sereine et ensoleillée. Le monde végétal m’impressionne.
La lune est visible à 98% ce soir. Et demain, c’est la pleine lune.

(Le travail m’ennuie en général, me dérange dans le pire des cas. Les seuls moments agréables se restreignent de plus en plus aux moments passés avec mes bonnes clientes dans la cabine de soin. Et je me sens de plus en plus loin de mes collègues. De plus en plus : décalée. çA m’angoisse terriblement parfois. Cette envie que j’ai de tout planter.) Parenthèse terminée.

J’ai photographié un conifère, enfin ses branches pleines de tendres épines, car : elles me rappelaient les cheveux de Papillon. Exactement les mêmes. Papillon a des cheveux végétaux. Alors, j’ai cherché un arbre dont le feuillage ressemblerait à mes cheveux à moi. Je l’ai trouvé. Et je l’ai photographié aussi.
Ce n’est pas bon d’être aussi amoureuse. D’être aussi amoureux l’un de l’autre. Ou alors, c’est ce qu’il y a de meilleur ? C’est la seule chose qui importe ?
Ce matin, Papillon est parti tôt. Cette nuit, on partageait des bonheurs silencieux. Aucuns mots ne peux les qualifier. Il m’a demandé s’il me rendait heureuse. J’avais une envie au bord des lèvres. Presque impossible à contenir. çA débordait de partout; ça débordait de mes iris incandescents, ça débordait de ma bouche assoiffée, ça débordait de ma peau transpirante, de mes mains agitées, de mon souffle rendu rauque, de mon coeur dilaté. çA débordait, cette envie incontrôlable. De lui dire que je l’aime. Parce-que c’est ce que je sens. Ce que je sais. çA émane de moi tout le temps. Je pense qu’il le voit. Qu’il le voit comme il verrait n’importe quoi d’autre de visible, de matériel, de palpable. Mais j’ai contenu le flux. J’ai retenu les trois mots au bord de mes lèvres. Du bout de ma volonté. Je me suis tu. Même si j’avais envie de lui hurler que je l’aime. C’est : trop tôt, trop récent. La situation semble trop fragile à mes yeux. Alors j’attends. J’attends de lui dire ça. J’attends le moment où le bonheur sera complet. Sans ombre. Sans l’ombre de DO-SI-DO…
Lui, il me l’a déjà dit. Mais je l’ai étouffé aussitôt. Je lui ai dit que c’était trop précieux, trop magique. Qu’il ne devait pas me le dire maintenant. Pas dans l’exaltation des premiers temps.
Alors, je n’ai pas le droit de le dire non plus. Alors : je me retiens.
Ce matin j’ai attendu qu’il soit parti. Et je le lui ai dis. Le lui ai murmuré. Dans la chaleur encore pleine d’amour de l’oreiller sur lequel il avait dormi. Et j’ai mis tant de puissance dans l’évocation de ces mots, tant d’amour, tant de conviction et tant de force que : j’espère qu’il l’a entendu de là où il se trouvait.