Journal de fin de jeunesse

La question jamais posée

"Mais qu’est ce qui te plaît dans l’esthétique?"

Week-end, enfin. Même si ces 5 dernières semaines de cours, je n’ai pas assisté à une seule semaine entière. Je me suis accordé des demi-journées, par-ci par-là, plutôt buissonnières. Le pire, c’est que je n’en ai ressenti aucune sorte de culpabilité..... çA ne me ressemble pas.

çA y’est, je suis parti pour 3 semaines de stages à l’institut. Et je n’ai pas envie. çA me stress, me gave, me soûle, m’énerve.... et cette prise de conscience de la flemme que m’inspire mon stage m’a amené à me poser les question. Les questions redoutées. Les questions peut-être jusque là étouffées. Les questions qui fâchent, qui font peur à la famille ("Oh, celle là.... mais quand-est ce que tu te décideras à entrer enfin dans la vraie vie ,,"). Les questions du rejet par moi de ce qu’ils appellent "la vraie vie"..... Cette vie là, que j’ai beau essayer d’adopter, avec ma routine, mes études d’esthétiques, mon stage et mes perspectives d’avenir mais… Cette vie là à laquelle je n’arrive pas à me faire, qui n’est pas moi, qui me terrorise. Car elle semble signifier Enfermement. Et l’enfermement est ma crainte absolue, ce que j’ai toujours essayé de fuir.
La vraie vie, comme ils disent, je crois que je n’y arriverais jamais. Je n’ai pas envie d’y arriver. Je ne peux pas forcer plus. Merde, qu’est-ce que je vais devenir ???
(en plus de ça je suis irresponsable financièrement). Hier j’avais besoin (chez moi "besoin" veut dire "envie") de chaussures grises, des beaux escarpins gris souris, à mettre avec mes collants prunes et ma jupe en dentelle par exemple....mmmh). Mais : je suis repartie avec : du thé noir épicé, une recharge pour ma capillinia, une bougie parfumée, deux pinceaux de maquillage yeux en bambou et poils de cheval naturels, un rouge à lèvre bio à l’huile d’argan et une crème camphré pour les jambes lourdes.... Je n’ai plus rien à manger d’ailleurs.

Enfin, pour en revenir à ma formation, à ma carrière et à ces questions et ces doutes (ces certitudes déguisées) qui m’assaillent, je suis paumée ! Le stage me gonfle, je n’ai plus envie d’y aller. Moi qui était si contente et si motivée au début, cette nouvelle carrière, ces nouvelles perspectives, tant à apprendre, tant a acquérir.... Bon, j’ai l’impression que j’en ai fais le tour (même si il me reste à apprendre l’épilation orientale au miel qui a l’air bien corsé et demande une grande technicité). Mais : çA y’est, j’ai déjà envie de voire autre chose, de faire autre chose qui me remplit plus. Qui m’épanouit. C’est ça, je ne me sens pas épanouie. Je sais que j’aspire à bien plus que ça. Je refuse d’épiler des foufounes et de faire des gommages, de réaliser des beautés des pieds et de poser des French toute ma vie. Enfermement. Ce n’est pas moi. Il manque quelque-chose. (Mmmm, délicieux ce thé).
Bon, c’est peut-être moi qui ai une vision réductrice en ce moment. Comme m’a dit ma psy, il faut trouver une façon d’exercer sa profession qui nous corresponde pleinement. Une manière de l’exercer à sa façon, en s’épanouissant, en étant soi-même et fidèle à ce qu’on aime.... Oui. C’est sur. Mais… J’ai ces question. Je me lasse vite, trop vite. Je ma fatigue vite des choses. Une éternelle insatisfaite. Quelle malédiction d’être ainsi faite. Je trouve ce que je fais parfois superficiel, pas du tout ce à quoi j’aspirais. Je ne suis d’ailleurs absolument pas satisfaite intellectuellement. Et j’ai une grande demande intellectuelle. Alors oui, les questions; je me demande ce que je fous en esthétique. J’ai l’impression d’adopter une identité qui n’est pas la mienne. De jouer ce rôle là; celui sensé rassurer enfin ma famille et mon entourage qui s’inquiétait trop pour moi. Et c’est inconfortable ( "AAAAHHHH, tu as enfin trouvé ta voie!!!!!!"), stressant ("Maintenant tu ne changes plus hein???!!!!).... Quelle angoisse.
Et pourtant. je le fais bien, je bosse bien, j’aime être en cabine, les clientes sont ravies et je sais me les mettre dans la poche.
Je ne me comprends pas. Je suis dans un des meilleurs instituts de la Capitale, j’ai la chance de travailler pour une marque mondialement reconnue qui a son propre stand au Congrès international de la Beauté et de l’Esthétique, je suis en accord avec leur philosophie. De plus, Yasmina m’apprécie et voudrait me garder avec elle (un grand plus pour mes deux prochaines années d’alternance). Des tas de filles se damneraient pour être à ma place; j’en suis consciente. Mais....
Et c’est là qu’arrive la question jamais posée, que je ne me suis pas posée. Malysone me l’a posée au téléphone avant-hier soir (impossible de répondre), Sonia me l’a posé jeudi à Hagen Dasz (impossible de répondre) : MAIS QU’EST-CE QUI TE PLAIT DANS L’ESTHÉTIQUE? ?

Merde. Je vais vraiment devenir une ratée ? De celles qui avaient des ambition incroyables et qui finissent par épiler des foufounes toutes la journée ? Qui se sont à jamais perdu, ont perdu leurs capacités intellectuelles et leur vivacité ? Leur profondeur et leur...intelligence ? (intelligence gâchée par une profession qui les a aliéné).

Bon, ce n’est pas un hasard si j’ai choisi d’écrire un journal en ligne. À ceux qui me lisent, pouvez-vous m’accorder quelques minutes pour m’éclairer ? J’ai besoin d’un regard neuf.
Merci