Journal de fin de jeunesse

Végétarienne

(Qu’on ne me dise pas que l’Homme est un prédateur. Car le prédateur chasse et accepte la défaite.)

Je me suis toujours, absolument toujours, senti très proche des animaux. En fait, je n’a jamais vu de différence notable entre l’espèce humaine et les autres espèces animales, autre que l’alphabétisation (et donc la pensée construite et raisonnée, et donc l’ambition, et de ce fait, le mensonge et la manipulation....). À part ça, je cherche toujours. Et mon amour pour les hommes, incorrigible, est aussi profond que celui que j’ai pour toute autre espèce. Mais passons...
Oui, toujours, j’ai été proche d’eux, je les ai aimé et protégé. Inconsolable face à leur souffrance et à leur mort.

Exemple:
J’étais petite,mais pas très petite. J’étais avec ma maman au supermarché Stock de Vaux le Pénil, et elle m’a demandé d’aller lui chercher une barquette d’oeufs. Je me suis empressée de le faire et, maladroitement, dans ma précipitation, j’ai laissé tomber un oeuf. Il s’est cassé. Evidemment. Je me suis mise à pleurer toutes les larmes de mon corps. Ma mère, me voyant revenir toute catastrophée s’inquiète et me demande ce qu’il se passe. C’est alors que je lui désigne l’oeuf cassé par terre et en chouinant, lui réponds "Mais maman..... il a été pondu pour rien".
Et je souffrais vraiment pour cette oeuf et l’éventuelle petite vie gâchée. ( À l’époque, je pensais que le jaune, c’était le poussin).
Voilà, je pense que je ne peux pas être plus explicite.
D’ailleurs, ça me rappelle (mais rien à voir avec ce dont je veux parler), que maman se faisait un réel plaisir de raconter cette anecdote. Et je la comprends, c’est adorable.
Si un jour mon enfant me fait une chose pareille, c’est de l’adoration que je sentirais pour lui.

Alors oui, la cause et le respect animal, ça m’a toujours tenu intensément à coeur.
Mais : j’aime la viande. J’adore le Boeuf Bourguignon. J’adore l’Osso Bucco que me préparais ma maman. Je suis dans un état extatique quand, au Mexique, je déguste dans la rue les meilleurs Tacos al Carbon..... mmmh, c’est exquis. Et un bon hamburger, préparé avec une viande de qualité, ça me fait saliver. Ainsi que la charcuterie. Petite, nos voisin m’appelaient "Miss Saucisson"

Et puis petit à petit, et très fort en ce moment, j’ai pris conscience. Je me suis posé les questions. Celles que, j’imagine avec beaucoup d’optimisme, tout le monde s’est posé. (Il se passe quoi dans les abattoirs la nuit ?).
Je me suis mise à apporter une grande vigilance au choix de ma viande. À me renseigner sur sa provenance. Sur la qualité de vie des animaux destinés à finir dans la cuvette de mes toilettes. Sur leurs conditions d’abattement et de transport jusqu’à leur mort.... (Ils sont conscients qu’on les amène à la mort ? à la peur ? à la panique de l’obscurité sanglante des abattoirs ? Ils savent ?)

Puis, encore plus profondément, j’ai pensé, culpabilisé, réfléchi, lu. De quel droit la vache, tellement affectionné et si douce ("oh regarde maman, comme elles sont mignonnes les vaches!!!!"), de quel droit, et au nom de quoi son veau, tellement craquant et si chéri.... Au nom de qui et de quel droit leur destin, après une vie si misérable et si courte, est-il de finir en boule puante dans mes chiotes ?
Et enfin, le livre pas encore lu. Mais; le livre aperçut à la librairie, vert, tape-à-l’oeil. Le livre nauséeux, le livre de la boule au ventre, le livre du regard qui fuit le miroir. Le livre au titre responsable de ma décision encore fragile et non-officielle. Ce livre là : Faut-il manger les animaux ?
(L’odeur du sang dans les abattoirs, c’est la réponse. Nous connaissons tous l’odeur du sang et ce qu’elle signifie. Oui, ils savent ! Après le trajet glaciale, éreintant, cahotique. Le trajet de misère et d’entassement, dans le menace de mort de la nuit, la dernière. Après ce trajet là, le premier sûrement, et le dernier, le lieu d’arrivé est sans issue. Sans issue autre que celle du sang. Alors oui, la réponse est celle-ci : ils savent.)

Et là, depuis quelques jours, et j’attendais d’être sure pour en parler, ma décision, celle qui devait arriver, à mûri. Elle a rompu les portes en verre du refoulement. Elle a anéanti les résistances pseudo-philosophique de la chaîne alimentaire et de la loi du plus fort. (.si l’Homme disparaîssait, aucun déséquilibre ne se créerait...)
La décision peu à peu a précisé et endurcit ses contours flous. La décision a émergé. Et je n’ai pas pu me battre contre elle. Elle s’est imposé, dans un enchaînement logique d’idées, de convictions, de débats avec moi-même. D’irrevocabilités, d’arguments et de contre-arguments. Elle a pris la place qu’elle devait occuper. N’attendant que le moment où je serais prête à l’assumer. À l’accepter.
La décision de l’amour pour la vie. La décision de mon amour et de mon respect à moi pour la vie. La décision de mon empathie pesante (l’oeuf cassé, l’oeuf cassé), de mon empathie écrasante pour la souffrance immonde et inutile infligée aux autres être vivants et leur peur. Cette peur là, cette terreur même; de la nuit, de la mort, de l’instinct qui ne trompe pas sur ce qui va arriver, là, dans quelque instant, irrémédiablement. Cette peur de misère que je ressens aussi. À cause de mon empathie qui m’a fait pleurer de rage et souffrir des centaines de fois. Cette peur là, sans solution,que je refuse.

De leur vie misérables, les animaux de l’élevage n’ont d’autre issue que l’abattage. De leur vie de cauchemar, depuis leur naissance sans lumière jusqu’à leur agonie sans lumière, ils n’ont pas d’échapatoire. Pas la moindre chance.
De quel droit leur impose t-on ce délire infernal, cette souffrance sans nom ?
Qu’on ne me dise pas que l’Homme est un prédateur. Car le prédateur chasse et accepte la défaite. Le prédateur a cela de noble qu’il se bat à arme égal avec sa proie, dans l’acceptation de la victoire de celle ci. La proie a sa chance. La proie a son échapatoire.
Pas la bête d’élevage.....
L’horreur que j’ai vu sur les vidéos cachées des abattoirs de France m’a enseigné ceci. La lâcheté humaine. L’épouvante atroce des animaux. Sans issue, sans espoir. Immobilisés dans un cercle infernal qui les forces à adopter une posture grotesque, humiliante et contre nature, on leur tranche la gorge insensiblement. (Pour que les merdes dans nos intestins soient abondantes, saines, signe de bonne santé). Et les animaux tentent de reculer, dans un vain dernier soubresaut d’espoir, de s’échapper, de courir vers la vie qu’on leur a volé, au nom de nos appétits insatiables, de notre consommation croissante, avide de plus et de plus, incapable de se satisfaire....
Voilà l’élevage intensif. Voilà ce dont nous sommes coupables, nous les prédateurs de pacotilles.

C’est pour ces raisons et tellement d’autres que maintenant, je ne mangerais plus de viande et que je m’opposerais activement à l’élevage intensif !

Je n’ai rien, bien au contraire, contre les fermiers, les petits exploitants, ces hommes louables, qui travaillent durs, aiment leur bêtes, et les traitent avec le respect qu’elles méritent. Je les applaudis même.
Mais l’élevage intensif,et le travail baclé et, j’en suis sure transformable des abattoirs, c’est la déshumanisation incarnée. La perte de la conscience de la beauté de la vie. Conscience qui nous a été donné et que l’on viole au nom de la croissance économique. L’élevage intensif, c’est l'Homo economicus dans tout ce qu’il a de plus sombre, de plus abjecte, de plus révoltant.
Et ça me rend triste, insoutenablement triste. Inconfortable ici. Etrangère à ce monde. En questionnement perpétuel et surtout, dans l’interrogation sur le désir que j’ai (ou non) de vivre une vie entière avec la conscience de ça qui se passe, tout à côté de moi..... Je ne sais pas, et suis incapable de dire si j’y arriverais.
Arrêter de manger de la viande ne changera rien au fond.
C’est juste pour moi, parce-que je refuse de me nourrir du cauchemar d’autres êtres.
J’espère être comprise, dans toute la complexité de mon ressenti, de ma réflexion, dans ses rouages les plus insaisissables même pour moi, et que je peine vraiment à exprimer ici. J’ai conscience que je vais être attaquée, que je vais devoir me défendre sans tomber dans ce militantisme que je déteste, moralisateur et "évangélisateur" dans l’âme…

Mais je suis heureuse de ma décision. Contente, sereine, et déterminée.
Mais aussi, angoissée, horrifiée par les images que j’ai vu et qui m’ont donné l’ultime argument pour enfin dire "je ne mange plus de viande (ni de poissons d’élevage d’ailleurs, ni de poissons sauvages en voie d’extinction)".

Je mets ici les liens, non pour mettre mes lecteurs mal à l’aise, non par provocation, mais pour être mieux comprise.
C’est insoutenable, maladif et terrifiant.
Mais par respect pour ces animaux qui nous donnent tant de plaisir, qui satisfont nos petites faims avec tant de tendre saveur. Pour eux, voyez les en entiers ou n’y jetez même pas un coup d’oeil.

http://www.youtube.com/watch?v=i1l_BqRs4xE
http://www.youtube.com/watch?v=x9_3Q93yL9s