Journal de fin de jeunesse

À travers la vitre de l'institut

Journée assez dure.

Très dure ce matin, dans le bus, puis dans le train. Les larmes douloureuses m’assaillaient. Incontrôlables. Indésirables. Malvenues.

La douleur, étouffante. La douleur. Celle de toujours. Celle là. Qui me prend par surprise dans les moments les plus mal choisis.

Ce chagrin là. Oui. Celui qui me surprend dans les lieux publics. Pour que je ne puisse pas m’y laisser aller. Enfin. Pour que je ne puisse pas lui donner libre court. Enfin. Et me libérer. Enfin. Et me soulager. Aussi.
Ce chagrin que je bloque, inconsciemment, en ne lui ouvrant les vannes que lorsque il m’est obligatoire de les refermer. Tout de suite.
Ce chagrin que, visiblement, je ne veux pas affronter dans l’intimité de ma douleur. La vraie.

Je regardais les rues de Paris par la vitre de l’institut. Rue de Picpus. Boulevard de Reuilly. Et je l’ai imaginée. Là. Elle. Déboulant de l’angle de la rue. Me faisant signe de loin, m’ayant aperçu l’attendant à l’institut. Me souriant. Contente de voire sa fille au travail. Heureuse et riante de me voir avec ma tenue professionnelle. Je l’ai vu oui, arriver doucement vers moi, à travers la vitre tachée de traces de doigts. Qui venait me chercher. Elle portait son imper long, celui qui est jaune pâle. Elle portait, aussi, une jupe fluide à mi-mollet (peut-être la noire et rouge). Ses petits talons carrés. Et bien sur, une baguette sous le bras, enveloppée de papier blanc et fin de la boulangerie.

C’est comme ça qu’elle apparaît. Il n’y a que comme ça qu’elle peut apparaître dans la rue.
Et :

J’ai pensé que vraiment, je dois souffrir terriblement. Sauf que je le vois pas.