Journal de fin de jeunesse

Solitude acablante

Hier soir.

Seule. Au monde…

Orage léger et odeurs liés à la pluie; béton mouillé, terre mouillée, herbe mouillée

La peau pourtant très douce. Et personne qui ne me plaise pour la caresser.
Des mains, ça, il y en auraient. Qui voudraient s’y risquer. S’y coller. S’y frotter. Et s’y piquer.
Mais pas ces mains que je veux moi…

Et, durant la journée, avec Audrey, il y a eu la conversation de la peur qui naît maintenant.
La peur du Mauvais Oeil.

Elle a commencé par évoquer "ceux qui te volent ta chance" pour tenter d’expliquer mon inexplicable solitude. Mon inexprimable solitude. À 25 ans presque....
D’après Virginie, il y a les hommes avec qui tu couches qui vont te voler ta chance. Te la prendre. L’absorber. La sucer. Certains hommes. Et après, rien ne va plus (les jeux sont faits). Et après, oui, c’est fini. Tu te retrouve seule. Tu n’arrives plus à être avec quelqu’un qui te plaît, que tu aimes. Tout ça, c’est fini.
On t’a volé ta chance. Et tu ne retrouveras plus jamais l’amour. L’amour partagé.
C’est ça. Cette histoire qu’Audrey a évoqué tandis qu’on se dirigeait vers le RER A.
Et j’ai eu des frissons dans le dos. Ce sont, à vrai dire, des sortes d’histoires qui me font peur.

C’est après ça qu’elle a suggéré le Mauvais Oeil. Elle est africaine Audrey. Dans la famille de son père, on croit. Croire. À tout ça, ce qui fait peur. La possession, le Mauvais Oeil, les guérisseurs...
Elle a suggéré, donc, que j’avais peut-être le Mauvais Oeil. Un peu maudite, en somme. Que c’est pour ça que je ne trouve pas. Que ça ne va pas, jamais. Que je suis seule, seule, seule. Que je n’aime pas. Toujours pas.

Je suis terrorisé.
Pas vraiment par le Mauvais Oeil. Mais par l’idée que ça induit. L’idée même qu’il y a quelque-chose, quelque-part en moi, ou au dessus de moi, qui m’empêche de tomber amoureuse. D’être enfin avec quelqu’un que j’aime. Pour partager. Pour respirer, enfin. Être dans des bras. Qui m’en empêche. Quelque-chose qui m’en empêche.

J’ai souvent pensé ça. Que si je ne débloquais pas quelque-chose en moi, je stagnerais là. Dans cette situation désastreuse. Dans cette solitude accablante. Alarmante. Et oppressante.
J’ai dit à Audrey que je n’avais toujours pas vraiment pleuré la mort de ma mère. Et que je pensais que c’était ce blocage qui m’empêchait d’avancer.
Mais ça me fait très peur ça. Parce-que je ne sais pas quand je vais enfin hurler. Pleurer. Affronter le souffrance. La véritable. Celle qui est tapie.

Et. Si elle ne sort jamais, ma vie sera un échec.
Et, je sens que ça ne sortira jamais.
Et c’est horrible, parce-que cela implique également une vie de solitude, sans amour. Sans rien de beau pour moi.

SERÀ POSIBLE ESTO *

*ce serait possible ça ?

C’est l’anniversaire de papa. Je l’ai appelé ce matin alors que j’arrivais sur les Champs. Mais il était sous la douche. Il m’a un peu expédié. Du coup, je me sens mal, qu’il ait eu un appel si court pour son anniversaire. çA me fait de la peine. J’ai de la peine de penser qu’il se sent peut-être pas aimé, pas porté dans les coeurs.