Journal de fin de jeunesse

Le Coeur Lourd

J’ai le coeur tellement lourd. Je me sens tellement triste.
Les souvenirs me remontent à la gorge. Les souvenirs, heureux ou non, mais étincelants. D’un passé que je ne retrouverais pas. Que j’ai du; abandonner.

Mais jamais, jamais, je n’arrive à rester bien longtemps, éloignée de ce passé là. Abandonné par moi, au bord d’une route. Et avant même que cette route, je m’y engage.

Hier soir déjà, j’avais le coeur lourd. En sortant du travail. Face au Jardin des Tuileries. Il ne faisait pas encore nuit, mais déjà il ne faisait plus du tout jour. Mais surtout; il faisait doux.
Et face aux Jardins des Tuileries, moi j’étais si seule. Aux yeux des autres aussi sûrement, si seule.
Mon coeur tellement lourd qu’il m’a semblé que j’allais le sentir envahir ma bouche. Et puis le sentir tomber sur le trottoir dans un bruit mou et mate.
Mon coeur tellement lourd qu’il m’a semblé devoir le vomir.

Lourd d’être seule. Encore.
Avec un printemps de plus. À passer seule, encore.
Dans la certitude que l’espoir est inutile. Encombrant.
Que pour moi, il n’a plus de sens.

Personne pour qui me préparer. Personne que j’ai hâte de retrouver à la maison. Ou qui m’attends avec hâte à la sortie de mon travaille. Un peu cachée pour ne pas être vu des collègues et de la patronne. Bien sur.
C’est drôle.
Personne.
Cette joie là. Ce bonheur là. Que je devrais connaître. Qu’il est obligatoire, qu’il est règlementaire de connaître à mon âge. Cette joie là, la seule que je connaisse, finalement. Cette joie là je ne la connais pas. Plus.
Je ne la connaîtrais plus.
Je ne crois pas.
Je sens que c’est trop tard. Que je suis trop amer maintenant pour, si l’occasion se présentais, être même capable de la ressentir.

C’est fini.

Tout le monde est heureux. Ou tout le monde aime quelqu’un qui l’aime.
Presque.
Les gens biens.

Mais pas moi.

Je pensais être faite pour l’amour.
Et puis, les débuts de ma jeunesse m’ont laissés présager un futur, absolument toujours accompagné. Un futur de moi, jamais seule.
Je pensais que j’étais ce genre de fille à n’être jamais seule.Jamais.

Mais c’est absurdement faux.
Je suis la plus seule de toute.
J’ai bientôt 26 ans. Et je suis la plus seule.
Et je ne sais pas pourquoi.

Moi qui voulais tellement des enfants. Un mari. Une maison au bord d’un lac. La maison en bois.
Tout ça, je ne l’aurais jamais.

C’est ce que je sens aujourd’hui.
Je ne me fais (presque) plus d’illusion.
Je suis trop seule, et depuis trop longtemps pour que subitement ça change.

Il fait beau, mais je n’ai envie de rien faire.
Qu’est ce que je pourrais bien faire, de toute façon, seule ?
Ma vie est gâchée. çA y’est.
Je crois.

C’est pour ça qu’aujourd’hui je me sens si triste.
D’autant que j’ai rêvé de J.
Il m’aimait encore. Je crois que malgré son insipide Ana P., on revenait ensemble. Parce-qu’on s’aimait trop. 4 ans après.
(Mon Dieu mais qui pense encore à son ex 4 ans après )
Et j’ai écouté des chansons de Joan Manuel Serrat. Les chansons qu’on écoutait ensemble. Celles avec lesquelles il me disait qu’il m’aimait.
Et les souvenirs de cette époque là me sont remontés à la gorge. Puissants, cruels, déplacés!
Et j’ai pleuré. Avec la douleur. Une telle douleur.

Telle que je ne la comprends pas.

(Je n’ai pas de vie.
Je veux partir loin, et recommencer tout ça.
Parce-que oui, bien sur, j’y crois encore. Même si aujourd’hui, je crois et je sens le contraire. )