Adieu janvier
Je suis angoissée. Il faut maintenant que je dise à ma soeur que je ne viendrais pas vivre chez elle. Que, finalement, je reste à Paris. Malgré mon voisin. Malgré l’horreur de cette ville, teintée d’amour. Malgré tout; je reste à Paris.
J’appréhende sa réaction. La connaissant, je sais qu’elle va mal le prendre. Qu’elle va, peut-être, tenter de me faire culpabiliser. Enfin, je ne sais pas. Mais je sens. J’ai peur de ça.
J’en ai parlé à ma psy ce matin. On a presque parlé que de ça.
Pour elle, je ne dois pas me sentir coupable d’avoir changé d’avis. Si je me sens coupable, ça ne doit être que d’avoir chamboulé le quotidien de ma soeur et d’avoir précipité le départ de sa colocataire (avec qui ça n’allait pas de toute façon.)
Et, c’est sous cet angle là que je dois lui faire savoir que je ne viendrais pas; en m’excusant d’avoir chamboulé son quotidien. En étant désolé de l’avoir sollicité, pour rien au final. Mais en soulignant que ce qui est le mieux pour moi, c’est de rester à Paris. Pas de partir vivre chez elle en banlieue.
Après tout, il y a un mois, ma soeur elle-même m’avait dit de bien réfléchir et de prendre la décision qui était la meilleur pour moi… C’est ce qu’elle a dit. Mais de là à appliquer ses préceptes.
Bon, j’exagère peut-être. Ce que m’a fait comprendre ma psy, chose que j’ai du mal à faire par moi-même, c’est que je ne connais pas les réactions de ma soeur. Que je les anticipe en me basant sur ma connaissance d’elle. Mais qu’au fond, je ne sais rien de ce qu’elle va me dire ou de comment elle va réagir. J’anticipe, et ainsi, je fige ma soeur dans un schéma. Voire, je la diminue. J’occulte totalement ce qu’elle est et sa façon de gérer les choses. C’est moi qui décide de comment elle va réagir, sans lui donner la place de me surprendre. De se montrer différente de ce que je crois savoir d’elle. Elle va peut-être bien réagir. Se montrer compréhensive. Se montrer mature. Je n’en sais rien. Je me fais une montagne de sa réaction car au fond, c’est moi qui suis en colère contre moi. C’est moi qui m’en veut d’avoir demandé de l’aide à ma soeur pour ensuite réaliser que je n’en avais pas besoin...
Ce qui est sure, c’est qu’elle a été ma bouée de sauvetage, mon plan de survie, mon espoir, à un moment où ça n’allait vraiment pas.
Donc, en résumée, je vais la remercier pour ça. M’excuser de mon intrusion. Et lui faire part de la décision qui est la meilleur pour moi : rester à Paris.
Mais comme j’angoisse!!! ! C’est absurde. Comme je me sens coupable!
J’ai peur c’est tout. Peur de la perdre. Peur de la mettre en colère et en détresse. C’est irrationnel. Car elle-même m’a dit que je devais faire ce qui était le mieux pour moi. Mais…
Je me sens mal. C’est nul. Car Fanny et Sonia viennent dîner dans moins d’une heure. Et je vais les gaver avec ça. Alors que tout pourrait aller bien. (Oh putain ça y’est j’ai envoyé le texto à ma soeur!!! ! Putain!!!!)
Ouais, je me sens mal. Coupale. Merde.
(Ma soeur vient de me répondre. Elle me dit :"Pas de soucis, des bisous!". Je suis vraiment folle...)
Bon. Donc je vais mieux… Un peu.
Fanny apporte le vin. Sonia le dessert.
Je suis en train de préparer une salade d’endive agrémentée de noix et de pommes cuites. J’ai acheté de la menthe fraîche pour ajouter à mon taboulet. J’ai des olives à la provencale. Et j’ai réalisée quelques petits toasts au saumon fumé (Label Rouge, of course). J’espère que ça ira.
Dimanche, j’ai désactivé mon compte facebook. Je m’en porte bien. J’ai reçu des mails et des texti étonnés. Dont un de Celeste, la sublime Celeste. Elle m’écrit qu’elle est surprise. Je ne lui ai pas encore répondu. Mais ce que je vais lui répondre c’est : ce qui justement me gène, c’est que ça l’étonne ! Facebook a pris tellement de place dans ma vie, les gens doivent tellement m’associer à facebook, que de soudain de plus m’y voir, ça étonne!! ! Voilà ce qui me gène. Et voilà ce qui est inacceptable ! Et tout le monde essaie de trouver des explications à mon "geste" : il m’est arrivé quelque-chose de mal ? Je vais mal ?
C’est révoltant. Décevant.
L’un des premiers à m’avoir textoté après ce départ de fb, c’est Monsieur William ! Il a même signé son texto de son nom, tellement il devait être flippé que je l’ai rayé de ma vie. J’ai trouvé ça trop mignon. Et très parlant. Très révélateur… Il me prévient dés qu’il monte sur Paris. J’ai hâte.
Je me suis offert aujourd’hui ce livre qui vient juste de paraître chez Seuil; Marguerite Duras,La passion suspendue : Entretiens avec Leopoldina Pallota della Torre.
J’en rêvais.
Je ne sais pas, toujours pas, pourquoi cette femme me fascine autant. Me bouleverse autant. Me soulève autant le coeur et les tripes. Marguerite Duras, la fille. La fille qui traversait le Mekong.
Je commençais à lire dans le métro. Un homme regardait mon livre nouveau, puis mon visage, et souriait.
Je me plais encore à croire que mon visage ressemble un peu, si je veux bien, à celui de M. Duras jeune.
J’ai conscience que j’écris mal et à la va-vite.
Mais les filles vont arriver.
Adieu Janvier !