Journal de fin de jeunesse

Chrismas Spleen (2)

Jeudi soir, j’étais avec Lou. Vendredi avec So' et hier soir avec Steph.
Et à chaque fois que je leur ai raconté mon Chrismas Spleen, j’ai pleuré. Lou a pleuré avec moi. Avec So' j’ai pleuré à chaudes larmes. Avec Steph, hier soir, il ne me restait que des yeux humides et une voix qui se casse.

C’est à dire que le soir de Noël, le téléphone de papa a sonné. C’était ma tante. Qui nous annonçait que mon frère était là pour Noël. Et qu’il était en train de nous rejoindre pour passer le réveillon avec nous 3.
Grosse angoisse. J’ai pas envie de le voir. J’ai pas envie qu’il soit là. Il a perdu ma guitare. Il va grésiller dans ma tête toute la soirée, envahissant l’espace de sa présence bourdonnante aux relents de haine et de mépris pour nous. J’ai pas envie qu’il vienne. Je vais passer une sale soirée. Je vais me sentir mal. Déjà que ça s’annonce pas plus gai que ça avec papa et sa copine…

Mais bon. Il arrive quand même. Et tandis que papa et sa compagne cuisinent dans la cuisine, nous restons attablés tous les deux. Il sort sa vieille guitare. Celle du Gitan. Et il joue du Flamenco. Comme je ne sais pas comment je dois réagir, je ne réagis pas. Je suis émue. Admirative bien sur. Mais je fais la gueule, habitée par l’inconfort. Je baisse la tête. Il me demande si je connais quelques letras pour qu’il puisse m’accompagner. Mais je n’ai pas envie de chanter.
Et finalement le repas se passe bien. On parle de cinéma. On raconte des anecdotes. Je raconte l’anecdote du chauffeur de taxi suicidaire quand j’étais à Bordeaux au début du mois.
C’est le moment du fromage. Alors comme personne n’a plus faim, on fait une pause. Direction le canapé. La télé est allumée je crois. çA me gonfle.
J’ai apporté du fromage à la truffe. Je l’ai payé une fortune.
Mais c’est à cet instant que ma soeur et son ami arrivent. Ils reviennent avec le chien du réveillon dans la famille de la mère de ma soeur...
Tout le monde est content. Ils arrivent un peu comme un soulagement. Ils arrivent comme une brise qui allège une atmosphère un peu enfumée.
Je vois mon frère qui caresse la tête du chien. C’est drôle alors on rit. Car il n’aime pas les chiens en règle générale. Je prends donc une photo, ratée.
Puis on décide de jouer à un jeu de société. Celui dans lequel on ne doit pas prononcer certains mots.
On décide de faire deux équipes de trois.
(Maintenant je me dis que si l’on avait décidé de faire trois équipes de deux, les choses auraient surement été différentes.)
On s’amuse bien. On se marre. J’ai beaucoup de peine; une effluve de douleur parce-que papa ne peut pas être celui qui fait deviner les mots : il ne peut pas lire les cartes...
à La fin de la partie, tout à coup, ma soeu change de gueule. Et d’attitude. Quelque-chose l’a blessé. L’a vexé. Elle part. Nous plongeant dans un inconfort indésirable.
Je le prends pour moi. Mon intuition me dit que ça a quelque-chose à voir avec moi.
Je vais la rejoindre dans la cuisine, après que l’équipe adverse ait gagné. On a fini la partie sans un rire. La mort dans l’âme presque.
Je vais la rejoindre dans la cuisine où elle s’affaire inutilement. Elle me sort ce discours du "ça ira mieux demain, là je suis énervée, laisse moi me calmer, j’ai rien à te dire". C’est très sympa un soir de Noël.
J’apprends peu après qu’elle a mal pris le fait que, avec son mec, on se serait moqué d’elle. La diminuant et insinuant par nos comportement qu’elle était nulle, pas cultivée et un boulet inutile dans l’équipe.
Selon elle, ce serait moi et son mec qui lui aurions fait ressentir ça.
Comme ça m’énerve et que je n’ai pas envie d’effacer l’ardoise sur un " C’est pas grave, c’est un malentendu, n’en parlons plus, fais moi un bisou", je surrenchère. Je ne lâche pas l’affaire. Je veux tirer ça au clair. Je veux me justifier, me déculpabiliser et surtout lui faire comprendre que jamais je ne me permettrai d’adopter un tel comportement hautain et dégueulasse face à elle. Je veux lui dire qu’elle se trompe, que c’est faux, que je ne pense pas ça.
Alors, comme je suis à fleur de peau, et qu’encore une fois je me sens incomprise et dépréciée, je me mets à pleurer. Ce qui la fait s’assouplir.