Contrastes
Je me sens tristounette aujourd’hui. Alors qu’hier j’étais heureuse et joyeuse. La vie est pleine de contrastes. Chez moi, c’est assez virevoltant. Mes émotions se succèdent aussi rapidement que les jours. çA me fatigue beaucoup… Je peux passer une journée riche et merveilleuse, et alors le bien-être qui en découle semble s’être installé pour durer, annonçant une bonne période. Et le lendemain, je suis grise, et il n’est plus question de bonne période mais juste d’une bonne journée, trop vite écoulée.
Aujourd’hui: j’ai discuté avec Steph, une amie d’enfance perdue de vue. Elle a été ma première amie (on allait chez la même nourrice), mon amie la plus proche (on était voisines), celle avec qui j’ai dû passer le plus de temps (on a été collocs' pendant deux ans). Mais voilà, elle est partie vivre en Lozère, au bout du bout de notre amitié. Aux confins les plus inatteignables de notre attachement. Qui n’a pas résisté. Dans sa bulle, avec son nouveau mec, sa nouvelle vie champêtre, elle n’a plus eu besoin de ce lien, tissé affectueusement durant plus de deux décennies. C’est comme ça. C’est la vie.
Cependant, rien ne se perd. On est, par intermitence sporadique, en contact sur facebook. Et, il y a de cela 4 mois, alors que je passais 2 semaines chez mon père et que j’étais enceinte sans le savoir encore, elle m’a annoncé sa grossesse. D’une manière que j’ai trouvé orgueilleuse. Blessante. Prétentieuse. Ecrasante. Sans comprendre pourquoi. Elle nous a envoyé, à moi et une autre amie, la photo de son échographie en la commentant d’un suffisant :"J’ai quelqu’un à vous présenter!". Bien sur, ce n’était ni suffisant ni prétentieux ni même (très) orgueilleux de sa part. Mais c’est comme ça que je l’ai ressenti. Je me suis sentie blessée. Touchée. Laissée sur le bas côté. En dessous de tout; mon amie d’enfance, enceinte. Cette fille légèrement plus jeune que moi à qui j’enseignais la vie allait être maman. Et j’apprenais ça tandis que je séjournais chez mon père. En proie à une grande détresse lié à la situation compliquée d’alors avec Papillon. Et sujette à une fatigue, des nausées et une lassitude que je ne m’expliquais pas. (Que je ne voulais pas m’expliquer...) Forcément, à moi, dans toute ma complexité face à la maternité, cela m’a fait mal. M’a rendu triste et m’a plongé dans une mélancolie encore plus profonde. Je l’ai félicité. J’ai informé mon père que la petite Steph attendait un bébé, en proie face à lui à un inconfort et à une gêne diffuse. Et tout cela, sans savoir que moi même, j’attendais un bébé.
Aujourd’hui donc, on papotait sur facebook. Elle, semblant sincèrement se ravir pour moi de ma nouvelle vie professionnelle. Moi, feignant de me réjouir de ses 6 mois de grossesse et de son gros ventre. (Elle m’a envoyé des photos d’elle, magnifique et toute mince, sans un gramme de cellulite, avec juste son joli ventre, promesse de vie et de joie, qui dépasse de sa silhouette longiligne. Excroissance présomptueuse qui nous narguait, moi et mon ventre absurdement vide quand il devrait être plein de vie lui aussi. Plein de 4 mois et demi de vie.)
Elle m’a demandé si on avait un projet de bébé Papillon et moi. Je lui ai balancé mon avortement dans le bide. Et bam ! J’ai dû la choquer. Mais je ne pouvais pas le garder pour moi. Même si l’on s’est perdu, (et même si elle est catholique), elle reste mon amie d’enfance. Et je ne pouvais pas lui cacher ça. Je voulais qu’elle sache que moi aussi je pouvais être enceinte. Que moi aussi je pouvais procréer. Que j’en étais capable. Que mon corps en était capable. Comme si j’avais besoin de le revendiquer. Je me suis sentie effroyablement coupable. Je me suis justifié. Je me justifie tout le temps. J’assume difficilement. Elle a compris mon choix. Mais ne l’a pas admis pour autant, je l’ai bien vu.
Je ne lui ai pas donné la date de mon avortement. Mon avortement a eu lieu le jour de son anniversaire. Le 20 mars. C’est étrange quand j’y pense. Aujourd’hui surtout c’est étrange.
Et bon. Voilà. Cette discussion avec cette ancienne amie enceinte m’a plombé la journée. Je suis à la fois jalouse, amer, insaisissable. Non je ne me saisi pas là dessus. Je ne suis pas clair. Pourquoi la grossesse de filles qui me sont proches me chamboule autant ? M’envenime autant ? Parce-que moi aussi, aujourd’hui, si les circonstances avaient été autres, j’aurai balancé sur facebook une photo de mon ventre rond ? Moi aussi je caresserai mon ventre avec tendresse et impatience ?
Je ne veux pas être cette personne amer, qui envie la grossesse des autres. Je déteste cette personne là.
J’ai raconté l’anecdote à So. Elle m’a dit d’en parler à ma psy. Mais je ne sais pas comment. J’ai peur de ne pas y arriver.
Et puis pourquoi on en parle jamais avec Papillon ? Pourquoi c’est si tabou ?
(Putain ça me libère d’en parler ici. Je ne soupçonnais pas que je souffrais autant de ça.)
Steph est venue me parler sur facebook car elle voulait mon adresse. Sûrement pour m’envoyer le faire-part quand le petit sera né. En août. Tandis que mon ventre à moi sera toujours illogiquement vide. Et bien-sur, je n’arriverai pas à me réjouir de la naissance annoncée sur le faire-part. Je la jalouserai. Alors que je ne veux même pas d’enfant maintenant.
Et voilà. Voilà comment une journée mémorable peut se transformer en un lendemain détestable. Douloureux.