Journal de fin de jeunesse

Je ne porterai plus jamais de jupe par jour de grand vent...

... surtout quand je dois aller à Barbès.
Marcher dans Barbès avec une jupe par un jour de grand vent, c’est un mauvais rêve. C’est être un agneau jeté dans la cour des lions.

Je suis sortie avant midi. J’ai marché longtemps, une belle ballade. J’ai marché jusqu’à l'Antoine & Lili du quai de Valmy. Je me suis offert cette paire de Salomé magnifique dont je rêve depuis quelques temps. 145 €. Elles sont splendides. Simples, en daim noir. La semelle est rose. Ce qui, je trouve, est très délicat. J’ai profité de la boutique pour m’acheter un long sautoir en perles de plastique noires. C’est le premier accessoire que j’ai trouvé pour la soirée du 7 janvier. Une soirée pourrie qui m’emmerde. Une soirée boulot qui a pour thème : Chicago et le Charleston. Ben bien sur ! Déjà que je passe mes journées au boulot j’ai pas en plus envie de me coltiner une soirée déguisée ridicule ! Et puis, comme chacun sait, on a tous chez nous des bandeaux à plumes, des boas chatoyants, de longs gants en satin et d’immenses porte-cigarettes… Ben oui…

Je suis rentrée après midi. C’était comme un jour d’automne. D’ailleurs il ne faisait pas froid du tout et il y avait du soleil. J’ai marché sur les quais du canal St Martin. J’ai observé l’eau placide. J’écoutais la voix automnale et feutrée d’Alela Diane. Je tentais de garder mon équilibre sur les pavés inégaux. Tout en regardant l’eau et la lumière qui flottait dessus. Tranquillement. Aussi tranquille que moi. J’ai essayé de me sentir heureuse. Pleine de joie. Heureuse mais je n’ai pas réussi. çA ne fonctionnait pas. C’était pourtant une belle journée. Je ne me sentais ni bien ni mal. Juste mortelle et jetable. Pourquoi je n’arrivais pas à me sentir heureuse ? Qu-est-ce qu’il manque pour que ça fonctionne ? Peut-être que je suis trop dans le passé. Peut-être que je ne pense pas assez au présent. Voilà pourquoi je ne ressens pas le plaisir que je devrais ressentir. Que je devrais ressentir en marchant sur les quais par une belle journée ensoleillée et douce.Moi, ce que je ressens en marchant sur les quais par une douce journée de janvier, c’est de l’angoisse sourde: est-ce que c’est à cause du réchauffement climatique qu’il ne fait pas assez froid comme il le devrait ? Des ours sont-ils en train de se noyer dans une mer polaire tiède tandis que j’essaie d’être heureuse en marchant dans la douceur d’un janvier suspect ?