Premiers soleils
"Ce qu’il y a de bien avec les coupes années 50, c’est qu’elles mettent en valeur toutes les silhouettes. De part leur tailles marquées et leurs hanches évasées, elle dissimulent les culottes de cheval des filles trop rondes. Et au contraire, créent une impression de silhouette pulpeuse chez les filles trop minces."
C’est la réflexion que je me suis faite quand j’ai acheté ma robe pour le pacs de So.
J’en faisait part à Fanny cette après-midi, alors que nous étions assises au soleil au bois de Vincennes. Enfin, moi au soleil, et Fanny à l’ombre. Et Fanny m’a fait remarquer que par contre, ce type de coupe ne seyait pas aux filles avec du ventre… Une perspective que je n’avais pas prise en compte. C’est toujours comme ça avec Fanny. Elle est intelligente. Elle m’ouvre toujours des perspectives auxquelles je n’avais pas pensé.
Au soleil, je n’ai pas raconté à Fanny la chute du bébé sur les rails de la voie du RER A, vendredi dernier, à Nation. Ni le choc que j’ai subi à l’annonce de cette chute. Ni la panique glaçante que j’ai ressenti en entendant les hurlements inhumains de la maman du bébé . Ni des répercussions physique de ce choc sur mes mains, qui se sont mises à peler le jour même. Je n’ai pas raconté à Fanny ce jour là. Le jour de la chute du bébé.
Au soleil, j’ai parlé du voiturier. De son comportement inélégant envers moi après qu’il m’ait baisé. Au soleil, j’ai parlé de son comportement oui, incompréhensible. Incompréhensible par la suite.
Au soleil, j’ai parlé de ma peur d’être la fille qui est toujours seule. J’ai parlé des fins, à chaque fois foireuses et rageuses, de mes pauvres histoires d’am.... pardon, de cul.
Au soleil, Fanny m’a suggéré que peut-être, je n’avais pas tant envie que ça d’être avec quelqu’un.
Et peut-être, elle a raison.
La tendresse me manque. Le partage me manque. Faire l’amour me manque. La complicité me manque. Mais, a-t’on forcément envie des choses qui nous manquent ?
Là où j’ai ressenti le manque, c’est hier soir. Le manque de quelqu’un qui partage ma vie; je suis rentrée très tard du travail. Et quand je suis arrivée, mes notes d’examens m’attendaient dans ma boîte aux lettres. Celle qui ne ferme toujours pas.
Quand j’ai ouvert l’enveloppe porteuse de ma réussite, j’ai cru halluciner… J’ai obtenu 14 de moyenne à mon BTS. En calculant mes notes potentielles, je n’arrivais jamais à dépasser, laborieusement, un 10, 40 de moyenne. (Et encore, je me montrais généreuse.) Et hier soir, quand j’ai vu mon inespéré et très inattendu 14 de moyenne, j’ai ri. J’ai ri de joie, de fierté, de relâchement. J’ai ri toute seule. Heureuse d’y être arrivée. Et d’y être arrivée aussi bien.
Mes notes m’ont laissées bouche-bé. Même à l’épreuve de physique-chimie-technologie, j’ai eu au dessus de la moyenne. Et à mon épreuve d’espagnol, j’ai eu 20. Quant à mon oral sur dossier (celui auquel je n’ai pas du tout été préparée et où je m’étais attribué 11, à tout casser), j’ai eu 19...
Qui a 19 au BTS ? Je continue à penser qu’il y a eu erreur. Puisque je suis incapable d’envisager que j’ai pu être excellente.
Alors oui, ça m’a manqué; de ne pas avoir un homme à la maison avec qui partager cette joie là. A qui lire tout haut mes très bonnes notes, souriante, le rire aux lèvres, complices et éclatante. De ne pas avoir quelqu’un pour me prendre dans ses bras, me féliciter, en me chuchotant à l’oreille "je le savais mon ange", ça m’a manqué. Manqué cruellement.
J’ai appelé toutes mes amies. Désireuse, obligée de partager cette joie. Incapable de la garder pour moi. Mais ce n’était pas pareil. Et puis à 23h20 passées, aucune n’a répondu. Seule Margaux m’a rappelé pour me féliciter.
Bon, je suis une fille seule. Mais la solitude a payé, au moins pour cette fois. 14 de moyenne.
Je suis une fille seule. J’aime écrire.
Etre seule ça me va bien. Pour l’instant, ça me va bien.
Premiers soleils. Je vais bien.