Journal de fin de jeunesse

Deux années

Voilà.
Je viens de laisser derrière moi deux années de ma vie. Deux années. Entières.
Hier soir j’ai terminé mon contrat chez A.G. Et je me sens vide et vulnérable.
J’ai laissé la boutique, et avec elle les souvenirs.
J’ai quitté la boutique les larmes aux yeux. Le coeur pesant. Même si ce n’est qu’accompagnée de L. La Princesse des Garces que j’ai achevé cette dernière journée. Même si il n’y avait qu’elle pour me dire au revoir, hier. Même si il n’y avait qu’elle, à défaut d’une amie. Même comme ça, les larmes ont voilés mes yeux. D’un film si tenu, si léger et si brillant que la boutique autour de moi s’est troublée. Et les souvenirs ont suffoqués. Incapables de prendre leur envol. Et à jamais coincés derrière le film fin et brillant. Je n’ai pas pleuré. Et ainsi les souvenirs n’ont pas coulés sur mes joues.
Ils restent avec moi comme les milles senteurs gracieuses avec lesquelles j’ai enchanté durant ces deux années. Plus que vendre des parfums, le souvenir que je garde est celui d’avoir enchanté des gens grâce à des effluves inégalables.
Et c’est seulement hier. Et plus fort encore aujourd’hui. Que je réalise la magie et la grâce des parfums avec lesquels j’ai travaillé. Durant ces deux années.

Ce que je garde aussi, comme un écrin précieux, et même si j’ai beaucoup rechigné à la tache parfois. Ce que je garde comme une effluve fragile, c’est le bonheur et la sérénité des femmes qui, après avoir reçu un massage ou un soin du visage de ma part, m’ont dit "merci" et "vous êtes formidable". Ou, encore, "vous êtes exceptionnellement douce", "on vous regrettera".

Ce que je garde en mémoire et aussi dans mes mains, c’est une merveille, parfois, de contact humain. Quelque-chose qui se passe entre quelqu’un et moi. Et qui laisse un sourire sur les lèvres, comme un reflet de la petite joie qui chauffe à l’intérieur. La simplicité chaleureuse de certains contacts humains m’a réconforté sur moi.
J’ai appris de moi que j’étais vraie. Authentique. Quel réconfort de découvrir, durant ces deux années, que je n’ai rien de commercial. C’est une qualité que je suis fière de posséder.

Je garde dans les souvenirs une femme. Qui se savait condamnée par un cancer. Encore une...
Une femme qui est arrivée froide et hostile, lugubre et renfermée. Et qui après une heure en ma compagnie est repartie légère, sereine et souriante face à l’avenir.
Finalement, même si ça fait du bien et que ça flatte, je me fous un peu de la gratitude. Ce qui m’importe c’est la sincérité de la joie que j’ai pu apporté.
Je me fous qu’on se souvienne de mon nom ou de mes mains. J’ai fait du bien.

A.G, je te quitte. Je n’irai ni à New-York ni à Londres. Même si c’est ce que feraient les autres si ils "étaient à ma place."!
Je reste ici pour l’instant.
J’ai rencontré quelqu’un. Avec qui je me sens bien. On verra bien. Pour l’instant, tout va bien.

Même si l’angoisse du chômage s’épaissit.

Et puis aussi, le 13 septembre, je m’envole pour l’Ecosse avec Sweet C. Elle aussi a quitté A.G fin août…
Ce matin, très tôt, alors que je me réveillais dans les bras de Ratatouille, elle m’a envoyé un texto. Juste pour nous dire, à moi et à M.C, qu’on était "formidables".
M.C, à qui j’ai dit au revoir mardi.

Au revoir A.G