Valeurs actuelles
Hier soir, je rentre du boulot. (Maintenant je passe par le ligne 5. C’est direct de chez moi à Bastille. 9 minutes de métro exactement. La seule chose qui prends du temps, c’est la marche à pieds. Mais je préfère marcher un peu plus à l’extérieur que m’embêter à avancer péniblement sur les tapis roulants incivilisés des Halles… Dire que pendant un an, j’ai effectué ce trajet sans réaliser qu’il y avait plus court et plus plaisant. Fini le RER. C’est déjà ça.)
Alors hier soir, je rentre du boulot. Endroit confiné, à la température pesante, fréquenté par un peuple aussi anxiogène que d’habitude. Je sors du boulot. Et je rentre chez moi. Dans les escalators qui remontent du quai de la ligne 5 à la sortie de Gare du Nord, je tombe sur cette affiche publicitaire qui m’agace de plus en plus. Cette affiche pour Golden je crois, un site de rencontre adultère créé par des femmes pour des femmes. Infidèles donc. Si l’infidélité, assumée, reconnue et vite dévoilée me paraît naturelle, la publicité qui l’encourage me choque profondément. Ces affiches énormes, placardées à la vue de tous, y compris d’enfants sachant lire et accompagnant leurs mamans, banalisent sans pudeur le mensonge, la dissimulation et la déloyauté. Le mensonge, la dissimulation et la déloyauté, comme si il s’agissaient des nouvelles valeurs de notre société.
Valeurs actuelles; ce matin je raccompagnais Papillon à la gare (on devait passer l’après midi ensemble au soleil, mais son père étant au plus mal ces jours-ci, il a juste fait l’aller-retour pour m’apporter des croissants et me faire l’amour), et en revenant, je suis tombée nez à nez avec un camion rempli de carcasses de chèvres fraîchement tuées. Il les déchargeait dans une boucherie indienne, et halal je crois.
Horrifiée par la vision de ces cadavres dépecés, qui pourraient être humains et à mes yeux l’horreur serait la même (car la violence de la mise à mort et la souffrance seraient les mêmes), je me suis arrêtée. Un instant, pour faire face aux corps vides et décapités. Un jeune homme, plutôt bel homme, a retiré ses écouteurs de ses oreilles et, tandis que je reprenais ma marche sur le boulevard Strasbourg saint Denis, m’a interpelé; "C’est horrible hein ?", il m’a dit. "Surtout pour une végétarienne!", j’ai répondu. "Moi aussi", il a ajouté. On s’est dit qu’un jour il faudrait que les gens arrêtent de trouver ça normal. Mais qu’il y avait encore beaucoup de travail. Il a parlé de l’association L214, et qu’heureusement qu’elle était là. Et que petit à petit, on y arrivait. J’ai rétorqué par la Ferme des Milles Vaches, et que donc non, on y arrivait pas tant que ça… J’ai failli me faire écraser par un bus. Puis il m’a souhaité bonne journée.
Un mec bien. Un végétarien. Qui partage surement mes valeurs.
C’est drôle, j’ai pensé, il y a encore 6 mois, j’aurai cherché à avoir son numéro. Une rencontre aussi inattendue, je ne l’aurai pas laissé passer. C’est trop rare. Mais aujourd’hui, je m’en fiche. J’ai oublié son visage et sa voix juste après avoir dis à mon tour "bonne journée!" Et j’ai souri en pensant à Papillon, qui n’est ni végétarien, et encore moins végétalien.
(Petite parenthèse : je viens d’adhérer à l’association L214. Je ferai un don de 15€ par mois. Je pourrai assister aux assemblées générales...)
Valeurs actuelles; on descend les escaliers de mon immeuble en courant avec Papillon. Il va finir par louper son train ! Je ne sais plus pourquoi, je lui dis que cette robe bleue que je porte et qu’il aime bien, je la porte depuis que j’ai 19 ans. Je l’avais acheté lors de ma période "amérindienne". Je m’en souviens, je la portais avec des bottes indiennes, des plumes aux oreilles, des tresses et un collier ras de cou en perles et lanières de cuir… Papillon me dit qu’il aime bien l’idée de ma période "amérindienne", moins celle Marilyn Manson (avant).
Je me souviens, il y a eu la période gothico-manson entre 14 et 15 ans. Puis ma période Flamenco entre 16 et 19 ans. Et puis ma période amérindienne. Et après ? Après je me suis trouvée. Trouvée. Quel drôle d’expression. Si tant est qu’on puisse se trouver un jour…
J’écoute Hurray for the Riff Raff, un groupe New-orléanais découvert il y a peu. Décidément je suis toquée de tout ce qui vient de la Nouvelles Orléans.