Journal de fin de jeunesse

Une autre époque

J’aurais du naître à une autre époque. Je le sais depuis longtemps. Il y a eu erreur.
Une époque où la télé n’existait pas. Une époque où la musique sortait des instruments qui la jouaient. Et de rien d’autre. Une époque où l’on s’écrivait des lettres. L’époque de l’impatience folle de recevoir la lettre, tant attendue. Celle de l’être aimé.
Une époque pour moi. Une époque révolue.
L’époque des étendues de neiges silencieuses, à vous couper du monde. À vous couper du bruit. Cette époque où les bruits étaient des bruits de vie. Des bruits d’existence. (et pas des bruits infects provenants des machines de la non-existence et de l’enfermement)

Cette époque pour moi. L’époque du vrai silence de nuit. L’époque caressante du doux frottement de la soie sur les peaux. L’époque chaleureuse du suave glissement de la plume sur le papier. L’époque frétillante du cahotique balais des sabots sur le pavé.
L’époque des livres entassés dans ma bibliotèque.
Epoque brillante et oubliée.
Pas par moi.