Journal de fin de jeunesse

Ne compter sur personne

Dégoûtée.
Abasourdie.

J’ai croisé D. tout à l’heure, tandis que je rentrais chez moi. Il passait en voiture dans la ruelle et a ralenti et ouvert sa fenêtre pour me saluer. J’ai été froide avec lui. Sans pouvoir m’en empêcher. Alors qu’il me demandait si ça allait.
Oui, froide, pour toutes ces dernières nuits où je n’ai pas pu dormir à cause de lui. Ces nuits de cauchemar, où je suis réveillé en fanfare et malmenée par ce boucan qui dure. Froide face à ce manque de classe, ce manque de savoir-vivre, de respect même, malgré tout ce que j’ai pu lui dire. Alors oui, froide.
Quand il m’a dit "ha désolé je t’ai dérangé la dernière fois !" (par rapport à sa musique à fond). Froidement, c’est sorti de moi. Légitimement, c’est sorti de moi;
"Tu me déranges beaucoup en ce moment".

Il l’a mal pris, j’ai bien vu. Mais moi, j’en avais marre d’endurer, d’être trop gentille, soumise. Et de mordre mon oreiller de colère et, de fatigue. Malgré tout ce qu’il sait sur mes conditions de vie. Il s’est permit ce comportement dévastateur pour moi. Influant, sur ma santé, mon équilibre, ma sérénité.
Alors oui, froide. Légitimement froide.

Et, pour me punir, voilà. Il a changé le mot de passe de son réseau internet. Sur lequel il m’avait gracieusement offert une connexion (il pensait à l’époque que je voulais de lui).Là, je viens de le découvrir. Il a changé son mot de passe.
Internet, mon échappatoire, mon moyen d’expression, de libération. Ma musique le soir, pour ne pas entendre l’horrible télé du cafard d’à côté. Mes films en streaming, pour lâcher prise. Le contact permanent avec mes amis du Mexique, mes amours.
Pour me punir, parce-qu’il a été vexé par une petite vérité. Il me punit oui, en me coupant mon garde-fou. Ce journal, qui me permet de tenir, de m’exprimer, de me décharger, d’être lu. Internet qui trompait ma solitude.

ON NE PEUT COMPTER SUR PERSONNE. Je reste dépitée, triste, devant tant de méchanceté et d’égoïsme. çA m’a fait mal au coeur. Vraiment très mal au coeur.
Je suis choquée aussi, face à cette stupidité revancharde, inutile et perfide....

Je vais faire comment maintenant ?
Là, je suis connectée sur le Free-wifi de la belle-soeur de Sonia. Mais ça marche que 10 minutes, puis ça se déconnecte. Je n’ai pas accès à mes mails ni aux films ni à la musique. Et les 10 minutes de fonctionnement marchent elle-même un jour sur 10.
Je vais faire comment ?

J’ai envie de pleurer de dépit, de dégoût. Je n’ai vraiment pas de chance.

Et pour trouver un appart ? Et pour avoir accès aux offres d’emploi pour mon alternance de l’année prochaine ? Et pour avoir accès à mes comptes ?
Vivement que je me tire de ce trou plein de rat.

Aller, c’est une épreuve à la con. Un signe que je dois me démerder seule, ne compter sur personne. Faire face à l’adversité dignement (contrairement à lui qui manque vraiment de dignité).
Et peut-être aussi, me bouger le cul au lieu de passer mon rare temps libre sur internet…

Mais je reste sans voix. Face à son coup en douce.