Journal de fin de jeunesse

Visite à ma soeur

Hier, je suis allé rendre visite à ma soeur Carine.
On était brouillées depuis mars. Oui mars je crois.

Et puis; le jour où j’ai reçu ces deux excellentes nouvelles (celle d’Annick Goutal, et celle de l’appartement à La Chapelle), j’ai appris aussi par papa. J’ai appris par papa l’hospitalisation de Carine.

-"Appel là.", il m’a dit.
Mais je savais déjà que j’allais le faire.

À tâtons, j’ai d’abord envoyé un texto.
Après quelques heures et constatant qu’elle ne le recevait pas. J’ai appelé. Le coeur battant, un peu.

Elle était ravie. Tellement contente. Mais je l’ai trouvé lasse, épuisée. Elle m’a clairement fait comprendre que ça ne sevrait à rien, une vie comme ça. Une vie comme la sienne. MANIACO-DEPRESSIVE. C’est ça, sa maladie.

Et les traitement ne font plus effet. C’est pour ça qu’elle est entrée en clinique.
Elle a été sous perfusion pendant plusieurs jours. La santé revenant, progressivement. Petit à petit. Imik Si Mik. Le moral revenant, lui aussi. Avec la santé. La santé mental.

Alors hier, toute contente de voir ma soeur, je suis allé jusqu’à Fontenay-aux-Roses. C’est loin. Mais les transports, ça ne me gène pas. J’ai la musique avec moi. Toujours.

Je me suis rendu dans sa chambre. Mais elle n’y était pas. Un pensionnaire, goguenard, m’a conduit jusqu’au parc. Elle y était. Assise au soleil. Isolée sur une chaise blanche. Isolée au milieu du Soleil. Ma soeur.
La musique dans les oreilles, elle également.

On s’est étreinte. On a discuté deux heures au Soleil. D’abord assises par terre. Avec le soleil. Enfin, elle sans le Soleil. Moi à l’ombre. Il y avait cette ligne de fin de la lumière entre nous. Comme une petite frontière entre nous. Et c’est là que j’ai pensé au Yin et au Yang; Carine, si sombre, si mal, dans le blanc de la lumière. Face à moi, si bien en ce moment, si lumineuse, dans le noir de l’ombre.
J’ai trouvé ça poétique. Et vecteur d’espoir aussi. Symbolique quand à l’avenir de Carine. (et du mien ? merde!)

On a parlé. Assises sur l’herbe. Comme des soeurs.
Puis, sur de chaises. Face à face. Elle dit qu’elle était contente que l’on soit réconciliées. J’ai souris. j’ai bêtement dit que oui. Mais je n’ai rien su dire d’autre. Car, il n’y a pas eu de cause de dispute. Pas de raison. Juste une absurde montée de tension. Inexplicable sur le moment. Mais, et je le savais déjà. Mais, imputable à la maladie de Carine.

On a parlé. Puis. On en est venu a parler de papa.
Et ça m’a bouleversé. Je suis encore plus inquiète qu’avant :

Voilà ce que j’ai appris :

Papa a fait un près de 15 000 euros pour payer les soins dentaires de Françoise (sa copine).
J’ai tout d’abord été sous le choc. Muette. Éberluée. Sonnée. Voilà le mot exact. Sonnée.
J’ai trouvé cet acte à la fois pathétique, irrévérencieux et et préoccupant.
Pathétique, car presque désespéré.
Irrévérencieux, car papa se montre radin avec nous, ses enfants, il ne nous aide pas.
Préoccupant, car c’est anormal, et ça démontre une perte de notion de la réalité. Un état mental irréfléchi, presque inconscient. Un comportement absurde. Déconnecté.
Inquiétant. Oui inquiétant.

J’ai ensuite ressentie de la colère. Une colère brève.
Parce-que moi il ne m’aide pas. Parce qu’il répugne à me céder le moindre centime. Parce-qu’il ne se rends pas compte de ma détresse financière. Parce-que j’ai du faire des pieds et des mains pour le convaincre de me faire un cadeau digne de mes 25 ans ! (un appareil photo reflex avec objectif et tout.). Sinon, lui, il considérait que les 20 euros qu’il m’avais filé la dernière fois, ça faisait office de cadeau.....
De la colère.
Envers Françoise aussi. De la colère de penser qu’elle n’a vraiment pas l’air gênée que mon père s’endette pour elle!! ! Et que, parallèlement, il ne fasse pratiquement rien pour ses enfants!!!
De toute façon, elle le plume. çA m’inquiète énormément.

De l’inquiétude donc. Ensuite. Pour papa. Car c’est complètement irréfléchi ce qu’il a fait. Car ce n’est pas normal ce comportement. çA démontre que quelque-chose va mal. çA confirme la certitude que j’ai qu’il vit avec une culpabilité énorme. Cette culpabilité qu’il a envers Françoise et qui le fait imaginer n’importe-quoi.
Il culpabilise tellement. Il a tellement peur qu’elle se sente mal- aimée, secondaire, juste utile, rejetée par nous, qu’il est près à faire des choses insensées comme celle-là pour lui prouver que non.
C’est absurde. Et je m’inquiète énormément pour lui. Pour ça. Et la situation bizzare de "mec qui paye pour pas être seul" dans lequel ça le met, indubitablement. Inconsciemment. Subtilement.

Puis, de l’indignation.
Car si papa meurt avant d’avoir remboursé son prêt, c’est nous ses enfants qui allons fatalement devoir assurer!!!!
Et ça, c’est injuste.
Et j’ai ressenti une colère très forte envers papa. De, potentiellement, me mettre dans cette situation odieuse. Car il sait que l’argent que j’ai, mon capital, c’est l’héritage que j’ai de maman!!!
Et le fait que, sachant ça, parfaitement conscient de ça, comptant sur ça "au cas ou", papa a signé le prêt.
C’est abject. Penser à ça. À ce que papa a fait, comme ça, ça m’a rendu malade. Folle de rage. Tellement mal. Tellement mal!!!
En détresse. Trahie. Trompée. Enculée. Inconsidérée.

Je sais pas, je trouve ça horrible. Penser ça. çA m’a retournée la tête.
Après, dans le train, au retour, je n’arrivais pas à m’arrêter de penser.
"PAPA M’A FAIT çA, PAPA M’A FAIT çA, PAPA M’A FAIT çA!!!!!!!!"
"IL SAIT QUE, SI IL LUI ARRIVE QUELQUE-CHOSE, IL N’A PAS À S’INQUIÈTER, SES ENFANTS SERONT LÀ POUR CONTINUER À REMBOURSER (AVEC L’ARGENT DE LEUR MAMAN, LEUR PROPRE CAPITAL DONT ILS ONS BESOIN POUR LEUR AVENIR), LES SOINS DENTAIRES DE FRANçOISE"

J’étais mal. Tellement en souffrance. En torture. J’ai appelé Sonia. Elle m’a bien apaisé. Bien fait relativisé. Et je n’ai aucune envie qu’il arrive quoi-que ce soit à papa.... Et je n’ai d’ailleurs pas à penser à ça ! Car papa va assurer, il ne va pas mourir, et on n’aura rien à voir avec ça. (Sinon, c’est quelque-chose qui est fait dans notre dos. Dans mon dos. Et c’est encore plus troublant, plus injuste, plus terrifiant!)

Mais, malgré tout, là en y pensant, je me sens entubée. Trahie.
Je trouve ça dégueulasse. Par principe. Éthiquement dégueulasse. Je ne peux pas y croire. Il y a forcément une explication. Papa ne me ferait jamais ça.

J’ai besoin d’aide. J’ai besoin d’être rassurée!!!!!!!! !

Mais : je ne peux pas lui en parler. Je ne suis pas sensée le savoir.

Comment je le sais d’ailleurs ?
Ah, oui, c’est mon autre soeur. Nat. Elle travaille à la banque, celle avec un écureuil. Elle est allé voir les comptes de papa!!!
Quelle conne !