Journal de fin de jeunesse

Et pourtant

Et pourtant, devant mes amis, j’arrive à relativiser.
Le fait de n’être qu’esthéticienne, j’en rigole. Amèrement, c’est vrai. Mais je rigole quand même.
Je me déprécie. Par exemple, ce week-end, (samedi soir plus précisément), Charlou, Marilou et son copain sont venus dormir à la maison. Enfin au studio.... On a passé une magnifique soirée. Et ce que j’envie Marilou pour l’homme qu’elle a trouvé ! Je suis ravie pour elle. Mais en même temps, j’ai ce pincement au coeur. Cette petite douleur amer de les voir ensemble et de me dire "Allez, une amie de plus à trouver l’amour, et quel amour ! Alors que moi, qui suis une fille aussi bien qu’elle, je suis encore seule"

Mais, malgré tout, c’était une super soirée. Et j’ai beaucoup apprécié son Breton de chéri. Mais alors que je lui en disais plus sur moi, je me suis rendue compte de la basse estime que j’ai de moi même.
J’ai finis ma "présentation" par "de toute façon je ne suis qu’esthéticienne, y’a pas grand chose à dire."
Sur ce, Marilou a râlé "Rooooh, Anne, t’es tellement plus que ça!"
Et je le sais. Je sais ce que je vaux.
Alors pourquoi, à 25 ans passées, je n’en suis QUE là, à être esthéticienne ?

Pourtant, je sais bien. Du moins j’ose croire. Que ce n’est qu’une étape. Qu’un stupide BTS en alternance. Et qu’après je serais libre. D’être moi même. De faire des choix intéressants.
Je pourrais, tout d’abord, partir en Australie avec l’organisation AussieBeauty, qui permet à des esthéticiennes avec au moins deux ans d’expérience et qui ont moins de 30 ans, d’exercer en Australie après une période de cours d’anglais. D’ailleurs, une autre fille de ma classe m’a confié aujourd’hui qu’elle avait le même projet.

Ce n’est qu’une étape. C’est ce dont j’essaie de me persuader. Et c’est aussi ce que tous mes amis me disent, avec un air tendre et amusé; "Menfin Anne, arrête, t’es pas condamnée, t’es en formation. C’est que deux ans, ne dramatise pas!" ...
J’aimerais tellement être aussi optimistes qu’eux. Savoir que ma vie n’est pas fichue. Que je ne suis pas bloquée ou limitée.
Savoir que si, ma vie sera belle et intéressante. Et que je ne me gâcherais pas.
(mais le problème, c’est qu’elle est déjà bien entamée ma vie, non ?)

Pourtant, mes première cabines se sont bien passées samedi. Deux manucures à deux jeunes australienne accompagnées par leur famille, qui logeaient au Ritz. J’ai même passé un très bon moment en leur compagnie. Je n’ai pas vu le temps passer, concentrée sur ma manucure et avec la pression de n’avoir d’autre option que faire du très bon travail. (oui, on me met beaucoup de pression chez A.G).
Les Australiens ont d’ailleurs beaucoup rit quand je leur ai parlé de mon projet d’aller travailler à Alice Spring. Ils ont dit que j’allais vite déchanter. Qu’Alice Spring, c’était un petit bled isolé en plein dans le Bush et que ça risquait d’être dur pour moi après Paris.
C’était sympa.
L’autre esthéticienne qui travaille avec moi a regardé les mains. Elle m’a dit que c’était du très bon travail.
Ensuite, l’après-midi, j’ai eu un massage d’une heure. çA s’est très bien passé aussi.
Mais; il y a les épilations . Et je déteste ça. Et ça m’angoisse. Et je suis nulle là dedans. Ce n’est pas moi. Être esthéticienne, ce n’est pas fait pour moi, je sais.
Jeudi soir, Sonia est venu passer la soirée à la maison. Avant d’aller manger au restaurant indien, on avait prévu que je l’épile. Alors je l’ai épilé. Mais ça a été laborieux. Et le résultat approximatif… Sonia m’a carrèment dit que c’était pas fait pour moi.
Et je le sais. Vendredi dernier, ma collègue me disait que pour être esthéticienne, il fallait aimer toucher les gens, leur faire du bien… Et blablabla, le genre de discours mielleux que je déteste. Et, dans tout ce qu’elle disait, je ne me reconnaissais absolument pas. Et j’avais cette boule au ventre, cette sensation d’être une imposture ambulante et que ça se lisait sur mon visage. Et qu’elle le voyait, me perçait à jour, et continuait de tenir son discours mièvre juste pour me mettre mal à l’aise. Un sale moment.
"Ouais, c’est clair.", je répondais. En hochant vigoureusement la tête au rythme de ses paroles, genre la fille complètement d’accord.

Pourtant. Hier, on appris le drainage lymphatique en classe. Et c’était intéressant.
Puis l’après-midi, on a appris la massage californien. Et j’ai aimé le donner.
Bon, j’ai préféré le recevoir. Je me suis même presque endormie. Même si se dénuder la poitrine en classe, ça m’a mise mal à l’aise. C’était quand même presque deux heures de massage gratuit. J’ai dormi comme un bébé la nuit.
Au fond, j’étais contente d’apprendre ça.

J’espère ne pas être bloquée la dedans.