30 ans révolus: Bilan
Voilà, j’ai fêté mes 31 ans il y a de ça 3 jours.
L’année de mes 30 ans est terminée.
J’ai envie de faire un bilan. Je trouve ça bien les bilans. Un condensé des faits marquants d’une période de la vie. Une liste, finalement. Je trouve ça bien une liste. ça a un côté rassurant. C’est rassurant une liste. C’est comme une carte; ça rend les choses tout de suite plus ordonnées, plus cadrées, plus accessibles. On s’y repère bien. C’est plus facile de se repérer sur la petite carte, dans un quelconque guide d’un quelconque routard, que dans la vaste ville étrangère où l’on pose les pieds pour la première fois. Enfin je trouve. J’adore les cartes. (J’adore le fait de me repérer sur la carte, d’y élaborer mon itinéraire, et puis ensuite d’affronter comme par magie la réalité de cet itinéraire.) C’est vrai que c’est magique ce truc des cartes; d’abord la projection, ensuite la "vraie vie". Dans une liste, c’est le contraire, on passe de la "vraie vie" à sa retranscription écrite, condensée, cadrée, rassurante. En fait, une liste, c’est une carte à l’envers.
Et voici ma carte à l’envers:
Durant l’année de mes 30 ans j’ai:
-Quitté mon travail. Enfin ! Démissionné. Quitté ce monde autoritaire et restrictif de l’entreprise. Quitté cette soumission volontaire à une hiérarchie illégitime et aliénante.
-Voyagé. à Barcelone, ma ville chérie, avec ma douce Fanny. à Florence, mon rêve d’adolescente, seule avec mon appareil photo reflex, un régal. Au Costa Rica, comme éco-volontaire, au contact de la nature et des animaux sauvages.
-Présenté Papillon à mon papa. Une réussite. Je suis heureuse que papa apprécie autant Papillon.
-Découvert l’Ayurvéda, la médecine traditionnelle Indiennne, qui me faisait de l’oeil depuis longtemps. J’ai appris le massage Abhyanga, issue de cette médecine.
-Adoptée une lapine de mauvais caractère que j’ai baptisé Snoopie.
-Me suis fait une nouvelle amie, S., grâce à un site internet d’entraide. Un site de garde de chats.
-Ai dit "Non" à de belles entreprises qui me tendaient les bras. Pour rester fidèle à moi-même et suivre mes vrais désirs.
-Ai mûri un projet et me suis donné les moyens d’y arriver. J’y ai cru.
-Ai enfin créé mon entreprise de Praticienne en massage Bien-Être, sous le statut d’auto-entrepreneuse ! Et je m’éclate, je me sens créative, malgré le peu de travail pour l’instant, les moments d’angoisse, les choix et compromis que je dois faire.
-Ai signé déjà deux contrats avec deux belles sociétés pour lesquelles je suis prestataire de service free-lance.
-Ai rencontré du monde.
Et puisqu’il faut des choses tristes aussi:
-Ai assisté aux funérailles du papa de Papillon, après une longue maladie.
-Peut-être perdu mon frère...
Et puisqu’il faut des drames aussi:
-Ai avorté, le 20 mars exactement. Une grossesse non désirée. Une crise terrible avec Papillon. La période la plus difficile de ma vie jusqu’à aujourd’hui. La plus solitaire aussi. Un avortement douloureux, avec lequel je vis depuis, et vais devoir vivre toute ma vie.
J’en parlerai quand je serai prête. Quand, peut-être, ce ne sera plus aussi douloureux et angoissant. Mon avortement. Jamais je n’aurai cru que ça m’arriverait. Pas à moi. Aux autres oui, mais pas moi. J’ai parfois encore du mal à réaliser. à réaliser que j’ai été enceinte, et que je ne le suis plus. Alors qu’aujourd’hui, mon ventre devrait être tout rond. Pour moi cela révèle presque du surnaturel. C’est comme une douleur de plus avec laquelle il faut vivre. Une casserole en plus à trainer. En plus de la mort de ma mère, de la démence de mon frère.
(La culpabilité en plus).
Bien sur, cette liste, cette carte à l’envers, n’est pas exhaustive. je sais qu’il y a eu d’autres choses. Mais puisque là je ne les ai pas en tête, c’est qu’elles n’ont probablement pas d’importance.
Bien sur les faits relatés dans cette liste ne sont pas dans l’ordre. J’ai créé mon entreprise (par exemple), après mon avortement. J’ai commencé à réellement me lancer dans mon projet, à changer, à m’affirmer, après mon avortement. Comme si, finalement, j’en avais eu besoin. Comme si ce n’était pas seulement de mon pauvre foetus innocent dont j’avais avorté, ce jour là (le 20 mars, le 20 mars). Comme si j’avais eu besoin d’avorter d’une période de ma vie pour en commencer une autre. Sacrifiant au passage un être indésirable, que je ne remercierait pourtant jamais assez de m’avoir fait sortir d’un trou.
J’y reviendrai.
Je me demande si le titre de mon journal a encore du sens. Ou si, comme un écho à mon dernier paragraphe, je devrait en commencer un nouveau…