Journal de fin de jeunesse

En famille

Je suis officiellement en CDI. J’ai terminé les 4 mois de ma période d’essai. Voilà ce que j’ai dit à ma soeur hier matin. Avant que l’on passe une belle journée, faite de pré, de chevaux et d’odeur de chien s’étant roulé dans la m....!
Une belle journée hier. Et une belle soirée dimanche. Et aussi une belle soirée hier;
Dimanche soir, après le travail, j’ai pris le train pour aller passer deux nuits chez ma soeur. Avec elle et mon neveu. C’était chouette. C’est toujours ressourçant de se retrouver en famille. Même si c’est une petite partie de ma famille. Je me sens tellement bien dans l’appartement surchauffé de ma soeur. En compagnie d’elle, de mon neveu et du chien. Tellement au chaud. Tellement en sécurité. Tellement le contraire de seule. Comme je déteste Paris et mon studio dans ces moments là ! Comme je n’ai pas envie de rentrer chez moi ! Oui. Je n’avais pas envie de rentrer chez moi ce matin. à Penser que je reprends le travail demain. 5 longues journées durant lesquelles je me sens seule. Vulnérable. Sur la défensive. Seule. Putain seule. Absurdement seule et déplacée. Alors que, quand je me trouve en famille, entourée de cette chaleur là, de cette familiarité là, tout va mieux. C’est comme si la vie était facile et pleine. C’est une bulle. Un petit cocon furtif que je voudrais éternel. Mais non ! Il faut bien que je rentre chez moi. Il faut bien que je travaille. Il faut bien, voyons, que de l’argent arrive sur mon compte tous les mois. Et cela, même si la solitude du studio parisien en est le prix.
Alors.
Dimanche soir, on a mangé des crêpes. C’était simple et bon. On a rit avec mon Lulu. J’ai bien dormi sur un petit matelas. Je me suis réveillé dans le bruit réconfortant et joyeux de mon neveu se préparant pour aller au lycée. De ma soeur préparant le café. Du chien qui rentre de ballade...
Mon neveu parti, on a re-mangé des crêpes toutes les deux en guise de petit déjeûner. En buvant du café fort et pas bon. C’est là que j’ai dis que je réalisais à peine que j’étais officiellement en CDI. (Et puis, réalisé ou pas, qu’est ce que ça change ? Qu’est ce que ça veut dire, CDI ? Du jargon laboral stupidement intégré. Et j’en déteste l’idée.)
Ensuite, on a regardé des albums photos. De Lulu quand il était petit. De moi, toute jeune tatie d’à peine 12 ans, lui changeant ses couches. De maman aussi. Ma maman à moi. Pas celle de ma soeur. Mais : qu’est-ce que ça change ? Je me suis sentie soulagée et reconnaissante que ma soeur ait toutes ces photos de maman. Comme si ça allait l’empêcher de disparaître. Comme si "Ouf, maman est encore quelque-part ! Son visage, son sourire, survivent encore quelque-part!"
On a mangé des petits gratins et de la salade.
L’après-midi, nous sommes allées rendre visite au cheval de ma soeur et nous occuper de lui. J’ai compris à quel point cet être à quatre pattes lui est essentiel. C’est sa bouffée d’oxygène dans une vie sans argent qui l’étouffe… Avant de moi aussi m’occuper du cheval, je n’avais jamais réalisé à quel point il pouvait être primordial. Car moi aussi, hier en m’occupant de lui, j’ai ressenti un calme, un apaisement, un joie douce et sereine que je n’avais pas connu depuis longtemps. J’avais la tête comme vide de contrariété et de soucis puants, propres à la vie citadine et laborale. C’est comme ça que j’ai compris ce qu’il représente pour elle. à Quel point ce qu’il lui apporte est précieux. Nécessaire à sa survie, sans risque de sombrer dans la dépression. Ma soeur, elle à ça : ses instants de paix et de ressourcement avec son cheval. On peut dire que c’est en grande partie grâce au cheval qu’elle a une bonne vie.
J’ai respiré l’air intense de la campagne, loin de l’air vicié de Paris et du monde du travail. L’air était comme plus réel, plus dense, plus riche en oxygène; plus porteur de vie. Ici à Paris, l’air est contaminé par la médiocrité. Par la petitesse. Par le confinement. Fuir. Putain, fuir.
Le soir venu, on s’est cuisiné un bon repas tous les trois. Et on a discuté et comaté devant Castle. La nuit, mon corps sentait déjà que les moments de répit touchaient à leur fin; j’ai fais des cauchemars. Dans l’un deux. Il y avait maman. Une mauvaise maman, comme dans tous mes cauchemars avec elle, qui me laissent la gorge brulante et douloureuse.
C’est trop important pour moi ces moment en famille. Je n’ai que ça de rassurant finalement, ma famille. Il n’y a que ça qui m’empêche d’être seule au monde. Je vais m’accorder plus de ces moments. Il ne me coûtent rien et ne dureront pas toute la vie… à Un moment ou à un autre, on se retrouve seul au monde, non ?
(ça me fait peur de penser ça.)