Journal de fin de jeunesse

La peur au ventre

J’ai 30 ans et j’ai peur. Je n’ai pas peur de dire que j’ai très peur.
Pourtant, je suis exactement là où je voulais être il y a bientôt 2 ans de cela; chez moi, après avoir démissioné de mon travail et de retour d’un fabuleux voyage au Costa Rica, le pays de mes rêves. Pourtant, j’ai tout ce dont je rêvais quand je ne l’avais pas encore; la liberté de partir en voyage sans contraintes, du temps pour moi, du temps pour refléchir à ce que je veux vraiment dans ma vie, un amoureux magnifique, un appartement sympa où nous vivons tous les deux… Certes, financièrement ce n’est pas la fête, surtout après ce long voyage. Je n’ai plus d’emploi et ce n’est certainement pas ce que l’on attend d’une femme de 30 ans.
(30 ans. J’ai l’âge tant redouté ou le titre de mon journal intime prend tout son sens, voire devient obsolète.)
Non ce n’est pas ce que secrètement j’attendais de moi; me retrouver à 30 ans sans travail, sans savoir ce que je veux faire de ma vie et sans argent. Mais : c’est ce dont j’avais envie. C’est ce dont j’ai envie maintenant et c’est ce que j’ai décidé en toute conscience.
Je suis partie de chez C.....lie (mon ancien travail donc) le 4 septembre après 3 années de labeur. Il était temps. C’était devenu irrespirable. A tel point que ma collègue C.A, ne pouvant plus respirer, est partit à toute pompe une semaine avant moi en abandonnant son poste. Elle était "tombé" sur des emails la dénigrant et elle s’est servi de ça pour partir… J’imagine qu’elle a touché pas mal d’argent grâce à cet argument tombé du Ciel. J’avoue que je la jalouse un peu. Je n’aurai pas craché sur quelques emails licencieux pour soutirer quelques dizaines de milliers d’euros en plus. Je n’ai que faire du préjudice moral dont j’aurai pu souffrir. Car, rappelez vous, ma bonne résolution de janvier 2015 était de laisser couler les saloperies du travail sur moi et de ne pas les laisser m’atteindre. J’ai réussi ? Je n’ai pas la réponse à cette question et je m’en fous; c’est du passé.
Le passé m’apparait si loin. Le présent, depuis mon retour du Costa Rica m’apparait lui insatisfaisant et le futur, ah le futur… Oui revenons au but même de cet écrit : La Peur.
J’avais déjà peur depuis un moment. De ce que devient la vie ici, dans la société urbaine occidentale. Cette insécurité latente, cette menace terroriste permanente et peu importe ses instigateurs, cette précarité perpetuelle et restrictive, si frustrante, ce blocage social et personnel, propre aux jeunes génération j’ai l’impression. Mais peut être seulement propre à moi finalement. Tout ça déjà me faisait peur. Et puis le déclin rapide de l’environnement face à l’explosion démographique insensée. Et les mentalités égoïstes et limitées d’aujourd’hui, qui ne font les choses que si elles y trouvent un intérêt personnel. Et...STOP!
Voilà; Déjà ça, ça faisait beaucoup. Et ce matin, il y eu Trump. L’élection la plus grotesque dont j’ai jamais entendu parler. Alors maintenant j’ai très peur.
Je me revois, il y a peu de temps encore, marchant sur une plage sauvage du Pacifique, dans le Golfe du Costa Rica, avec pour m’accompagner seulement la force des vagues qui s’écrasaient à mes pieds, le chant perplexe des aras rouges qui s’envolaient ensemble dans un sursaut inattendu, l’illusion d’un crocodile dans un tronc qui flottait dans les vagues… mais c’est un crocodile, c’est pas possible, merde, si il sort de l’eau il ira plus vite que moi. Non attends, regarde bien Anne, ne sois pas bête, tu vois bien que c’est un tronc.Quoique… n’est ce pas sa gueule qui s’ouvre et se ferme comme ça ? Menaçante ? Arrête toi regarde un peu, c’est un crocodile. Oh merde ! Qu’est ce que je fais ? Qu’est ce que je fais ? Mais non, approche toi n’ai pas peur. Regarde bien, c’est un tronc. Oui c’est un tronc.
Et ç’en était un. Costa Rica adoré.
Mais aujourd’hui, ce n’est pas un tronc qui flotte dans la mer. C’est un Trump. Il n’y a pas à s’y méprendre. Et cette fois j’ai peur. Cette fois j’ai peur pour de vrai.